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de la Révolution. Optimiste, idéaliste, confiant et même crédule, ce sont des traits qui apparaissent souvent dans cette petite bourgeoisie parisienne dont l’origine est, dans bien des cas, comme ici, presque immédiatement provinciale. On y prétend tout savoir ; on y croit à tout en voulant paraître sceptique et blasé sur tout ; on y est impulsif et sentimental ; et cette facilité à suivre en prétendant rester indépendant constitue une force fluide particulièrement facile à ébranler, qui, une fois mise en mouvement, se porte en avant de toute sa masse.

Ajoutons encore que Toussaint Mareux avait pu donner une bonne éducation à ses deux fils. L’aîné, Louis, âgé, en 1784, de 23 ans, était un garçon adroit et de bonnes manières, jouant joliment du violon, pinçant de la guitare, graveur de mérite et habile dans ces expériences de physique qui étaient alors le jeu à la mode. Le second, Augustin, âgé de 22 ans, travaillait chez un architecte et peignait d’un pinceau délié d’élégantes aquarelles. La fille, Adélaïde, avait été moins soigneusement instruite, comme cela arrivait souvent alors. « Toujours bonne et douce, » nous dit son père à plusieurs reprises, elle se montre à nous avec la physionomie d’une gentille ouvrière parisienne.

C’est à ce moment que se produisirent, dans cette famille, les deux événements qui devaient, à la fois, déterminer son attitude pendant la Révolution et motiver la volumineuse correspondance où cette Révolution nous a été racontée.

Tout d’abord, Toussaint Mareux imagina de construire, sur les plans de son fils Augustin, de monter et de diriger un « Théâtre de Société, » avec une Ecole de Déclamation, destinés à concurrencer la Comédie-Française et le Conservatoire. On sait combien était alors draconien et exorbitant le privilège des deux théâtres royaux, la Comédie-Française et l’Opéra. Le monopole entraînait, comme toujours, chez les privilégiés, une certaine indolence dont se plaignait le public et, de tous côtés, on tentait des efforts pour fournir aux Parisiens, si friands de théâtre, des spectacles plus variés et plus vivants que ceux des deux scènes officielles. Par exemple, on donnait des représentations privées devant un groupe d’amateurs ou sociétaires payant une cotisation annuelle, des « représentations de cercles ; » et c’est le procédé qu’employa Toussaint Mareux.