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LES OPINIONS D’UN BOURGEOIS PARISIEN
PENDANT LA RÉVOLUTION

Beaucoup de gens ne considèrent encore la Révolution française que comme une griserie de mots aux conséquences tragiques, suivie d’une immense déception. Ce que fut cette griserie chez les contemporains les plus pacifiques et les moins préparés par leur vie antérieure aux violences de la politique, il n’est peut-être pas inutile de le montrer par un exemple nouveau. On a toujours avantage à comprendre mieux la mentalité des âmes troublées par les illusions révolutionnaires, et cette caricature asiatique de notre Terreur que nous offre, en ce moment même, le bolchevisme russe n’est pas sans apporter à un tel examen quelque intérêt d’actualité.

La famille, dont je voudrais faire connaître les opinions exprimées au jour le jour et parvenues jusqu’à nous par un hasard singulier, n’a tenu qu’une place bien minime et bien momentanée dans notre histoire parisienne ; mais cet anonymat ne me paraît pas diminuer l’intérêt des papiers dans lesquels nous allons puiser. On sait assez ce qu’ont pensé sur la Révolution les grands protagonistes et ceux qui en ont souffert violemment. Ici nous entendrons de simples témoins désintéressés, qui d’abord regardent le spectacle en badauds, sans s’imaginer pouvoir être mis en cause ; après quoi, ils sont amenés à y prendre un rôle, mais un rôle en quelque sorte inconscient et de forme toute bureaucratique en des heures dont, à distance, nous apercevons surtout l’horreur sanglante.

Nos personnages n’ont ni intérêt ni crainte personnels dans le grand changement qui s’opère alors sous leurs yeux