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guerre que 6 arsenaux et 43 000 ouvriers : Pembroke et Haul Bowline vont être supprimés. Or, l’importance de la marine anglaise est presque dix fois supérieure à la nôtre. Enfin, l’Italie, qui, dans cinq ports, employait 14 000 ouvriers, a supprimé Naples, Venise et Castellamare ; 10 000 ouvriers ont été licenciés. Quant à la France, avec 5 arsenaux métropolitains, un arsenal, deux points d’appuis coloniaux et trois établissements, elle détient le record des dépenses à terre. Elle a encore 33 000 ouvriers, non compris tout le personnel militaire des ateliers centraux de la flotte, des directions des ports, de l’intendance militaire, qui sont de véritables travailleurs manuels.

La raison pour laquelle nous n’avons pas construit de navires, est donc que les crédits qui eussent dû rationnellement être destinés à cette utilisation, ont été affectés à l’entretien de tous ces organismes parasitaires. Le fait est d’autant plus incompréhensible que la France possède dix chantiers privés capables de construire des navires de guerre, sur vingt chantiers de construction navale existant en France, dont le capital actions atteint 275 millions. Ces dix chantiers ont un noyau de personnel spécialisé très compétent, et avaient autrefois une clientèle fidèle dans le monde entier. Pourquoi ne pas faire appel à eux, au lieu de gaspiller les crédits publics dans des ateliers, dont l’incapacité industrielle n’est plus à démontrer ? Le recours à l’industrie privée aurait cet immense avantage, ainsi que l’a démontré M. Lemery, de mettre à la charge des Sociétés, et non de l’État, les frais généraux qu’il y a lieu de supporter dans les solutions de continuité qui ne peuvent manquer d’exister entre deux commandes ou entre deux programmes, ce qui est le cas actuel. Il est en outre désirable pour le pays de maintenir en activité une industrie qui travaille pour l’exportation. On ne peut espérer que les étrangers s’adressent à nos chantiers, si nous ne leur confions nous-mêmes aucune commande. Bref, la marine doit choisir entre deux solutions : ou supprimer les arsenaux inutiles, ou renoncer à posséder une marine de guerre, car nous sommes arrivés à la dernière limite de la tension budgétaire. L’hégémonie navale appartiendra, notamment en Méditerranée, à la nation qui saura obtenir, des ressources publiques affectées à sa marine, le meilleur rendement ; et cette nation sera celle qui aura le