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tions importantes. On a reproché au corps combattant d’abuser de son omnipotence en affichant une certaine morgue vis-à-vis de corps d’officiers, qui, pour ne citer que les ingénieurs et les commissaires, appartiennent à un milieu social et intellectuel très élevé. On a prétendu en outre, non sans quelque raison, que les chefs de la Marine avaient fait preuve d’un esprit de routine préjudiciable au progrès. Ce qui pouvait être vrai il y a une trentaine d’années a cessé de l’être aujourd’hui. En laissant grandir dans les arsenaux les corps techniques ou administratifs qui ne participent pas à l’exercice du commandement à la mer, on a certainement affaibli le principe d’autorité dans la marine, et enlevé à l’État-major le sentiment de sa responsabilité. Il faudrait rendre à l’État-major général, sinon une autorité directe sur la gestion des services, du moins une sorte d’hégémonie militaire qui lui permît de fixer exactement les directives du département.

Dans un autre ordre d’idées, l’esprit de démagogie a causé le plus grand tort à la marine. Le jour où Camille Pelletan a fait promener le drapeau rouge dans les rues de nos grands ports maritimes, il semble qu’il ait abaissé devant cet emblème le pavillon flottant à la poupe de nos navires, pour donner à la marine une sorte d’idéal social consistant à entretenir des ateliers plutôt qu’à combattre. Dès lors, toutes les concessions budgétaires ont été faites en faveur des établissements à terre. La marine a oublié son but essentiel. Les arsenaux sont devenus sa raison d’être. Or, de tout temps et à tous les degrés de la hiérarchie, on n’a jamais effectué de travail actif dans les ports maritimes. Faute d’organisation, le rendement industriel y a toujours été déplorable. Les ouvriers se sont toujours considérés comme les seuls fonctionnaires véritablement inamovibles de la République. En revanche, ils recevaient jadis des salaires nettement inférieurs à ceux de leurs camarades de l’industrie. Sous prétexte « d’industrialiser » la main-d’œuvre maritime, on lui applique maintenant les tarifs régionaux. Le résultat est que les chapitres consacrés au personnel ouvrier ont augmenté dans des proportions considérables, alors que la production a diminué. Les ouvriers de la marine ont conservé tous les avantages de leur ancienne situation, tout en profitant du cours élevé des traitements de l’industrie libre, qui est, elle, exposée au chômage.