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d’instruments de combat ? La Marine est riche en patrimoine moral, elle est d’une pauvreté navrante lorsqu’il s’agit de faire l’inventaire de ses ressources matérielles. Est-ce donc que les crédits lui ont été refusés par les Chambres ? Nullement. Aussi le pays hésite-t-il à comprendre les raisons profondes et mystérieuses de ce coûteux désarmement naval.

Le chef de cabinet d’un de nos récents ministres nous disait que la marine est comme « rongée par un cancer. » Insensiblement, le mal interne a détruit toute la vie d’un organisme vigoureux. Ce mal, ce sont les arsenaux de la marine qui absorbent toute l’activité de ce département, et vicient en quelque sorte son sang le plus généreux. Le budget succombe sous le poids de ce fardeau insupportable. La marine essaie en vain d’envoyer ses vaisseaux à travers le monde : ils demeurent inertes au mouillage de nos ports, faute de combustible pour assurer leur marche ; toute la chaleur se concentre en pure perte dans les cinq ports maritimes. Nous avons essayé d’analyser, dans la Revue, à la date du 15 octobre 1920, le déséquilibre qui existe entre les dépenses improductives du ministère (service à terre, frais généraux d’usine ou d’administration) et les dépenses actives des escadres à la mer. Depuis lors, la valeur combative de nos escadres a diminué du fait que nous sommes restés un an sans lancer de navires, mais aucune mesure définitive n’a été prise en ce qui concerne la réduction de nos arsenaux. On se souvient que la suppression de deux d’entre eux : Rochefort et Lorient, avait été décidée en principe, conformément à l’avis du Conseil supérieur de la marine : il n’en a été rien fait.

On se méprend souvent sur le sens qu’il faut attacher à ce mot « arsenal. » Pour beaucoup, un arsenal comprend seulement un personnel ouvrier qu’il suffirait de licencier pour résoudre la question. Celle-ci est malheureusement beaucoup plus complexe. Ce ne sont point les salaires des ouvriers, employés dans les chantiers navals, qui constituent la plus grosse partie des dépenses, mais les soldes du personnel dirigeant, ingénieurs, agents techniques, les traitements des agents administratifs, des écrivains, etc. ; ce sont toutes les dépenses matérielles entraînées par l’entretien des ateliers, des mouvements généraux, des centrales électriques, des directions de port ; c’est enfin, et principalement, ce que l’on est obligé de sacrifier au port lui-même, à ses ouvrages, à ses bassins, à ses