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dont 11, datant de 1916 à 1919, type Giuseppe Sertori, de 800 tonnes de déplacement, 34 nœuds de vitesse, 1 700 milles de rayon d’action, portent 4 pièces de 102 millimètres. En outre, deux autres torpilleurs, datant de 1919 à 1920, jaugent 900 tonnes, et ont un rayon d’action de 1 800 milles. Cette simple énumération établit que notre voisine a une flotte de surface légère, soit en croiseurs, soit en contre-torpilleurs, soit en torpilleurs, très supérieure à la nôtre. À Dieu ne plaise que nous puissions supposer un seul instant que ces flottes entreront un jour en conflit ; il ne nous est point, cependant, indifférent de comparer les deux forces navales afin d’apprécier leur valeur respective. Or, la France a deux mers à garder : impuissante en Méditerranée, elle n’en doit pas moins tourner son regard vers l’Atlantique et la mer du Nord. Constatation encore plus pénible à faire, la situation présente de nos escadres légères ne nous permettrait même pas de lutter contre la marine allemande, lorsque celle-ci se sera reconstituée dans les cadres qui lui ont été tracés par l’article 181 du Traité de paix. Les signataires du Traité de Versailles ont décidé que l’Allemagne pourrait entretenir 6 cuirassés du type Deutschland ou Lothringen, 6 croiseurs légers, 12 contre-torpilleurs et 12 torpilleurs, ayant un déplacement respectif de 10 000 tonnes pour les cuirassés, 6 000 tonnes pour les croiseurs, 800 tonnes pour les contre-torpilleurs. Étant donnée la période de remplacement qui leur est imposée, les Allemands pourraient mettre en chantier, en 1921, 5 cuirassés et 8 croiseurs légers ; en 1922, un cuirassé, en 1923, deux cuirassés. On leur prête l’intention de transformer leurs cuirassés en croiseurs ; la France n’aurait donc point d’unités à opposer à la flotte néo-germanique, si elle ne prend dès maintenant des mesures pour reconstituer elle-même la sienne.

À quoi tient ce dénuement de la marine française ? Cette marine sans navires ressemble à un corps sans âme. En vain se reposerait-elle sur ses glorieuses traditions, sur le prestige de son histoire grandi encore par le récent sacrifice des fusiliers marins. En vain ferait-elle appel au dévouement d’un État-major remarquablement instruit et d’équipages qui sont vraisemblablement les meilleurs du monde. À quoi lui serviront toute cette gloire et tout ce dévouement, si elle manque