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ceptions parlementaires paradoxales exigent du travail pour les arsenaux et refusent au ministre l’argent pour payer les ouvriers. Quoi qu’il en soit, la Chambre des députés avait, avant de se séparer, voté le projet du Gouvernement. À la suite d’interventions sur lesquelles nous préférons faire le silence, le Sénat ne put inscrire la discussion de la loi à son ordre du jour et se sépara sans l’avoir examinée. Projet bien modeste, cependant, puisqu’il ne comporte que la mise en chantier de 8 croiseurs de 8 000 tonnes, de 6 contre-torpilleurs de 2 400 tonnes, de 12 bâtiments torpilleurs de 1 400 tonnes et de 12 sous-marins ! Ce n’est même pas là un programme naval, car nous n’entendons pas rapetisser le rôle de la France sur mer à la mise en service de quelques unités légères. Par quelle aberration le Parlement peut-il ainsi porter obstacle à la reconstitution de notre marine militaire, alors qu’il gaspille avec tant de libéralité pour les arsenaux les deniers du contribuable ?

L’urgence de la mise en service d’escadrilles légères n’est pas discutable. Sous peine de signer la liquidation complète de nos forces navales, il n’est pas possible de reculer plus longtemps l’ère des sacrifices financiers nécessités par cette entreprise, dont le coût est évalué à 738 millions. Une analyse comparative de nos unités et de celles des autres Puissances va nous renseigner sur la situation d’infériorité pénible dans laquelle se trouve la marine française, par suite de l’arrêt de nos constructions, qui remonte à 1914. Depuis cette date, nous n’avons mis en chantier aucun navire de combat. Les sloops, les avisos, les chasseurs de sous-marins, qui sont venus en grand nombre enrichir notre liste navale, ne représentent, avons-nous dit, aucune valeur militaire. Quant aux 12 torpilleurs type Annamite, qui nous viennent du Japon, leurs plans se ressentent des conditions dans lesquelles ils ont été construits : ils sont impropres à une destination active.

Laissant de côté ce qui intéresse les éléments aériens et la défense directe des côtes, pour n’étudier que les forces navales proprement dites, nous constatons que celles-ci comprennent trois catégories principales de navires : les unités cuirassées, que nos amis anglais appellent des capital ship ; les unités légères rapides, et les sous-marins. Pour ce qui est des cuirassés, on vient de décider l’arrêt de ceux qui étaient en chantier au début de la guerre, c’est-à-dire des 5 cuirassés