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de ces manifestations pompeuses, un esprit compétent et averti ne pouvait manquer de discerner la détresse de la Marine française. Si la Ligue maritime a cru devoir attirer l’attention sur elle, c’est qu’il est urgent de lui administrer le remède nécessaire pour la sauver.

Passons, avec le président de la République, la revue de nos forces navales mouillées dans la baie de la Hève. Nos cuirassés sont représentés par nos deux meilleures unités : la Bretagne et la Provence. À part ces navires, il n’en existe qu’un troisième armé de pièces de 243 millimètres. Nous regrettons de ne rencontrer que deux croiseurs cuirassés qui datent de plus de vingt années, la Jeanne-d’Arc et le Gueydon. Puis, voici un joli croiseur léger, le Strasbourg, navire ex-ennemi. Enfin, deux rangs de torpilleurs : six de la classe Annamite, ne donnant guère plus de 20 à 22 nœuds, et six de la classe Francis-Garnier, antérieurs à l’année 1914, qui sont usés par leur service de guerre. Pour allonger cette ligne d’escadre si brève et si grêle, on a dû y ajouter des canonnières, des avisos, des sloops et jusqu’à ces bateaux-pièges qui ne sont que de mauvais cargos armés de pièces d’artillerie. En vérité, ce n’est point la force navale qui convient à une grande nation comme la France, à cheval sur deux océans. Il est désespérant de penser que, pour obtenir un aussi piètre résultat, il ait fallu rappeler le ban et l’arrière-ban de nos vaisseaux et faire passer du Levant dans le Ponant le pavillon du commandant en chef de notre escadre de la Méditerranée. Toute la poussière navale qui s’effritait derrière nos torpilleurs a été prévue pour une hypothèse qui ne se réalisera plus jamais, c’est-à-dire pour lutter contre la piraterie sous-marine sous le bénéfice de la maîtrise complète des mers. L’armement coûteux de ces navires ne se justifie plus aujourd’hui. Nous nous rappelons l’étonnement ironique d’un officier anglais demandant au directeur de la Ligue maritime « ce que, en France, on comptait faire de ces unités. » Elles ne servent, pour le moment, qu’à faire nombre dans les lignes parallèles disposées pour une revue navale.

Cette revue aura eu, cependant, l’avantage de servir d’entraînement à nos escadres. Elle nous aura valu de très belles paroles prononcées par M. Chaumet, M. Guist’hau, et le président de la République, paroles dont nous voulons espérer qu’elles sont annonciatrices de la renaissance maritime du pays. M. Chaumet