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Enfin il est impossible, et je m’en aperçois à tout moment, que mes journées ne soient remplies d’infidélités. C’est la seule peine que j’aie et qui n’est pas prête à finir, puisque j’ai bien peur de n’en voir la fin qu’avec ma vie, dont les souvenirs me font trembler...


Et peu de temps avant sa mort « janvier 1693) elle envoyait ce billet à son directeur :


La maladie que j’ai augmenté tous les jours, mon très R. P. Il y a apparence qu’elle n’ira pas loin. Je vous supplie très humblement que le mal que j’ai ne soit jamais su de personne, pas plus après ma mort que pendant ma vie. Dieu vous récompensera sans doute de tous les biens que vous m’avez faits. Et je l’en prie de tout mon cœur. Je me sens toujours la même tranquillité et le même repos, attendant l’accomplissement de la volonté de Dieu sur moi. Je ne désire autre chose.


Elle mourut le 6 janvier 1693.

Vers le même temps, La Fare, qui rimait à ses heures, comme son inséparable compagnon, l’abbé de Chaulieu, composait le « madrigal » que voici :


De Vénus Uranie [La Sablière], en ma verte jeunesse,
Avec respect j’encensai les autels,
Et je donnai l’exemple au reste des mortels
De la plus parfaite tendresse.
Cette commune loi qui veut que notre cœur
De son bonheur même s’ennuie,
Me fit tomber dans la langueur
Qu’apporte une insipide vie.
Amour, viens, vole à mon secours,
M’écriai-je, dans ma souffrance ;
Prends pitié de mes tristes jours.
Il m’entendit et, par reconnaissance
Pour mes services assidus,
Il m’envoya l’autre Vénus,
Et d’amours libertins une troupe volage,
Qui me fit à son badinage.
Heureux si de mes ans je puis finir le cours
Avec ces folâtres amours !


Son vœu fut exaucé : l’ « autre Vénus » resta sa compagne. On l’appelait, dans la société du Temple, M. de la Cochonière.