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La Fare et Chaulieu, des poètes comme La Fontaine. Elle-même était d’humeur assez gaillarde. Un sévère magistral indigné de la galanterie qui régnait dans la maison, s’écriait : « Quoi ! toujours de l’amour et des amants ! Les bêtes au moins n’ont qu’une saison. — C’est que ce sont des bêtes, » répondait la dame.

Une pédante ! Mais voit-on La Fontaine installé chez Philaminte ? Les entretiens qu’il aimait et qu’il trouvait chez son amie, lui-même les a dépeints :


La bagatelle, la science,
Les chimères, le rien, tout est bon ; je soutiens
Qu’il faut de tout aux entretiens ;
C’est un parterre où Flore épand ses biens ;
Sur différentes fleurs l’abeille s’y repose,
Et fait du miel de toute chose.


Quand, dans ses vers, il élève un temple à la déesse Iris (Mme de La Sablière), voici l’image qu’il eût voulu placer dans le sanctuaire :


Au fond du temple eût été son image,
Avec ses traits, son souris, ses appas,
Son air de plaire et de n’y penser pas.
………..
J’eusse en ses yeux fait briller de son âme
Tous les trésors, quoique imparfaitement :
Car ce cœur vif et tendre infiniment,
Pour ses amis, et non point autrement,
Car cet esprit, qui, né du firmament,
A beauté d’homme avec grâces de femme,
Ne se peut pas, comme on veut, exprimer.
………..
Vous que l’on aime à l’égal de soi-même
(Ceci soit dit sans nul soupçon d’amour,
Car c’est un mot banni de votre cour,
Laissons-le donc), agréez que ma Muse
Achève un jour cette ébauche confuse.


Un peu confuse en effet, un peu négligée, un peu encombrée de rimes masculines ; mais ce Vous que l’on aime à l’égal de soi-même, quelle fine déclaration d’amitié !

C’est sous le regard de cette amie, délicate et attentive, qu’il a composé ses chefs-d’œuvre, les grandes fables du recueil