voix de La Fontaine, Apollon se charge de rassurer les trembleurs. Il enjoint aux poètes picards et aux poètes de Champagne de dormir en repos.
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Devers la Somme on est en assurance ;
Devers le Rhin tout va bien pour la France :
Turenne est là, l’on n’y doit craindre rien.
Vous dormirez, ses soldats dorment bien ;
Non pas toujours : tel a mis mainte lieue
Entre eux et lui qui les sent à sa queue.
Deux de la troupe avec peine marchoient ;
Les pauvres gens à tout coup trébuchoient,
Et ne laissoient de tenir ce langage :
« Le conducteur, car il est bon et sage,
Quand il voudra, nous fera reposer. »
Après cela, qui peut vous excuser
De n’avoir pas une assurance entière ?
Morphée eut tort de quitter la frontière.
Dormez sans crainte à l’ombre de vos bois,
Poètes picards et poètes champenois.
Le magnifique Devers le Rhin, tout va bien pour la France, le propos des deux poilus fourbus mais confiants dans la sagesse et la bonté de leur chef, et tous ces vers d’un si beau lyrisme prennent aujourd’hui, surtout ici, la plus émouvante sonorité. Qu’il est donc divers, notre La Fontaine, et comme nous l’aimons d’avoir partagé l’enthousiasme qui alors transportait le peuple de France au seul nom de Turenne !
Remarquons que l’unique souci d’Apollon est d’inviter « poètes picards et poètes champenois » à reprendre leur somme : on reconnaît à ce trait le grand dormeur que fut La Fontaine.
Si, comme frontispice aux œuvres de La Fontaine, on voulait composer une allégorie à la mode classique, la Muse du Conte y paraîtrait avec le visage de la duchesse de Bouillon, tandis que Mme de La Sablière y figurerait la Muse de la Fable. A cela on ne manquerait pas d’opposer que Mme de La Sablière, du moins jusqu’à sa conversion, ne tint pas rigueur