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perroquets, ses chiens et sa guenon ; elle se pâme aux grivoiseries du Conte et lance en l’air une de ses mules ; les bêtes recommencent alors leur sabbat ; le poète aux anges contemple un pied nu qui maintenant caresse le dos de la chatte favorite ; il admire une longue tresse qui s’est soudain déroulée, tandis que la petite chienne Dodo lui vient mordre les mollets, et que la guenon fait « force grimaceries, tours de souplesse et mille singeries... »

Ce n’est pas pour rien qu’il a comparé à César cette personne tyrannique qui, au dire de Saint-Simon, était dans Paris « une espèce de reine » et « arrivait chez le Roi la tête haute. » Un beau jour, l’impérieuse duchesse exigea qu’il célébrât les vertus du quinquina : bon gré mal gré, il dut s’exécuter et composer un poème, fastidieux mélange de médecine, de pharmacopée et de mythologie : sur six cents vers, il n’y a que les douze premiers qui soient dignes de La Fontaine.

Ses frasques obligeaient souvent la duchesse à déguerpir. A la suite d’un premier scandale, elle fut enfermée au couvent de Montreuil, près d’Arqués. Puis, son nom ayant été prononcé dans l’affaire des poisons, le roi l’envoya à Nérac. Quelques années plus tard, nouvel exil à l’abbaye de Saint-Martin de Pontoise ; et elle finit par aller rejoindre sa sœur Hortense en Angleterre.

Dans l’intervalle de ses voyages elle retrouvait sa cour et ses familiers, les Vendôme ses neveux, le duc de Nevers son frère, Chaulieu, Segrais, Benserade, La Fontaine. Elle était, dit Saint-Simon, « un tribunal avec lequel il fallait compter. » Or, il arriva que les grands seigneurs et les petits poètes qui fréquentaient sa maison, se liguèrent contre Racine, et Mme Deshoulières, leur amie, alla chercher Pradon pour livrer la bataille ; puis, après les représentations des deux Phèdre, ce fut la « guerre des sonnets. » Quel dut être l’embarras de La Fontaine ! La querelle mettait aux prises sa protectrice et ses meilleurs amis. Il se réfugia dans une neutralité silencieuse, mais en garda un amer souvenir, car, quelques années plus tard, il se vengea sur Mme Deshoulières qui avait été l’ame de la cabale. Cette dame, qui touchait alors à la cinquantaine, eut l’imprudence d’écrire une ballade dont le refrain était :


On n’aime plus comme on aimait jadis.