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vota l’exclusion. Furetière se vengea par une suite de factums où il traita son ancien ami d’Arétin mitigé, lui reprocha de choquer dans ses contes « les bonnes lois et notre religion, » incrimina ses mœurs, et s’en prit même au maître des eaux et forêts, affirmant que cet ignorant devait recourir au Dictionnaire universel pour connaître « ce que c’est que du bois en grume, qu’un bois marmenteau, qu’un bois de touche et plusieurs autres termes de son métier, qu’il n’a jamais su. » À quoi l’autre répondit en lui rappelant que Guilleragues l’avait un jour bâtonné :


Le bâton, dis-le nous, étoit-ce bois de grume
Ou bien du bois de marmenteau ?


Aux amis de La Fontaine, il faudrait encore joindre La Rochefoucauld auquel il dédia deux fables, Mme de La Fayette, à laquelle il envoya une pièce charmante terminée par ce vers divin :


Je vous aime, aimez-moi toujours,


et surtout les deux femmes dont l’amitié charma la seconde partie de sa vie et dont nous parlerons bientôt : la duchesse de Bouillon et Mme de La Sablière.


Si, hormis ce hargneux de Furetière, tous ses amis et toutes ses amies restent fidèles à La Fontaine, c’est qu’il met à les conserver tout son cœur, tout son esprit. En amitié comme en amour, il est souvent ailleurs, mais ces absences se pardonnent plus facilement à un ami qu’à un amant. Après une fugue à Chaûry, à la campagne, chez Chloris, on le voyait revenir prévenant, complimenteur, les mains pleines des plus jolis cadeaux qu’un poète puisse faire à ceux qu’il aime : des dédicaces, des louanges, des vers charmants. Il savait l’art d’être ami. Là-dessus, comme sur le reste, c’est lui, toujours lui qu’il faut écouter : relisez les Deux amis : c’est une de ses plus belles fables, et elle nous livre le secret des douces affections qui entourèrent et consolèrent sa vie.