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de « faire grimacer ses figures, » et dans l’auteur de Scapin il eût sans scrupule reconnu celui du Misanthrope. Aussi bien, après la représentation des Fâcheux à Vaux, écrivait-il à Maucroix :


C’est un ouvrage de Molière :
Cet écrivain par sa manière
Charme à présent toute la cour.
……….
J’en suis ravi, car c’est mon homme.
Te souvient-il bien qu’autrefois
Nous avons conclu d’une voix
Qu’il alloit ramener en France
Le bon goût et l’air de Térence ?
………..
Jodelet n’est plus à la mode,
Et maintenant il ne faut pas
Quitter la nature d’un pas.


Molière non plus ne s’est pas trompé sur La Fontaine. « Nos beaux esprits, disait-il en parlant de Racine et de Despréaux, ont beau se trémousser, ils n’effaceront pas le bonhomme. » Et quand Molière mourut, le bonhomme fit une épitaphe qui commence ainsi :


Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
Et cependant le seul Molière y gît.


VI. — QUELQUES AUTRES AMITIÉS DE LA FONTAINE.

La Fontaine eut beaucoup d’autres amis moins illustres que Molière, Racine et Boileau. Ce fut d’abord Chapelle qui, pour avoir été le compagnon de trois grands poètes, est immortel : « tout aviné qu’il est et chancelant, dit Sainte-Beuve, il se voit, bon gré mal gré, reconduit à la postérité d’où il s’écarte, donnant un bras à Molière et l’autre à Despréaux. » Puis des amis d’enfance, comme Maucroix, le plus cher de tous ; Pintrel, traducteur de Sénèque, pour lequel il met en vers français les vers des poètes cités par l’auteur latin ; Furetière, le seul avec lequel il se brouilla ; mais ce fut une brouille terrible. L’auteur du Roman bourgeois avait fait un Dictionnaire au mépris du privilège de l’Académie ; aussi l’Académie, dont il faisait partie, résolut-elle de l’exclure. Bien qu’ami du coupable, La Fontaine