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la pratique aussi dans sa conduite... ou, si vous le préférez, dans son inconduite : n’y revenons plus.


Il nous faut du nouveau, n’en fût-il plus au monde.


Le voilà tout entier. Le nom de Polyphile dont il s’affuble dans Psyché, blasonne son génie et sa vie.


III. — LA FONTAINE ET BOILEAU

« Ariste « Boileau) était sérieux sans être incommode. » — Sérieux, Boileau ne l’était guère quand La Fontaine se lia avec lui : tout comme Racine, il allait au cabaret « deux ou trois fois le jour, » et tout comme Racine, il aurait pu écrire à La Fontaine : « J’ai été loup avec vous et avec les autres loups, vos confrères. » Mais, entre Racine et Chapelle, Despréaux, surtout aux yeux de La Fontaine, devait passer pour un Caton.

De son amitié et de son admiration Boileau donna bientôt une belle preuve à La Fontaine. Les premiers contes venaient de paraître, parmi lesquels celui de Joconde d’après l’Arioste. Un certain Bouillon, secrétaire du cabinet de feu M. le Duc d’Orléans, avait rimé la même nouvelle. Une dispute s’était élevée : les uns préféraient Bouillon, les autres La Fontaine. Appelé à juger le différend, Molière s’était, on ne sait pourquoi, récusé. Boileau écrivit en faveur de son ami une Dissertation spirituelle et probante. Il mettait même le récit de La Fontaine au-dessus de celui de l’Arioste : « Un homme, disait-il, formé comme je vois bien qu’il est au goût de Térence et de Virgile, ne se laisse pas emporter à ces extravagances italiennes et ne s’écarte pas ainsi de la route du bon sens. Tout ce qu’il dit est simple et naturel. » Il le louait de montrer « une certaine naïveté de langage que peu de gens connaissent, » de posséder « le molle et le facetum qu’Horace attribue à Virgile, » puis de main de maître il exécutait Bouillon.

Rien ne devait altérer cette amitié. On a reproché à Boileau d’avoir passé la Fable sous silence dans son Art poétique, et l’on a donné de cette omission des raisons littéraires ou politiques, bonnes ou mauvaises : La Fontaine fut sans doute le dernier à s’en plaindre, si même il s’en aperçut. Quand il se présenta à l’Académie française, le Roi refusa de ratifier sa nomination, tant que l’Académie n’aurait pas élu Boileau : il conçut quelque