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surtout ce pourpre, qui environnent le roi des astres. En effet, il y avoit très longtemps que le soir ne s’étoit trouvé si beau. Le soleil avoit pris son char le plus éclatant et ses habits les plus magnifiques... On lui donna le loisir de considérer les dernières beautés du jour : puis, la lune étant dans son plein, nos voyageurs et le cocher qui les conduisoit la voulurent bien pour leur guide.


Cette partie de campagne, ces badauderies dans les allées de Versailles, ces disputes littéraires qui composent les intermèdes de Psyché, quelle charmante et vivante peinture de La Fontaine et de ses amis !


II. — L’ÉPICURISME DE LA FONTAINE

D’abord de La Fontaine ; car, dans l’hymne à la Volupté par où se termine le récit des aventures de Psyché, il fait, avec une sorte d’enivrement, l’aveu de son épicurisme :


Volupté, volupté qui fus jadis maîtresse
Du plus bel esprit de la Grèce,
Ne me dédaigne pas, viens-t’en loger chez moi ;
Tu n’y seras pas sans emploi :
J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique,
La ville et la campagne, enfin tout ; il n’est rien
Qui ne me soit souverain bien,
Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique.
Viens donc ; et de ce bien, ô douce Volupté,
Veux-tu savoir au vrai la mesure certaine ?
Il m’en faut tout au moins un siècle bien compté ;
Car trente ans, ce n’est pas la peine.


Le dessin de cet hymne, ajoute-t-il, « ne déplut pas tout à fait à ses trois amis. » En effet, par la flexibilité de la période poétique, par l’harmonie des mots, par l’allégresse du rythme, de tels vers étaient faits pour ravir Racine et contenter Boileau. Jamais La Fontaine n’a déployé avec plus de grâce son « doux et tendre enthousiasme [1] ; » jamais il n’a mieux dévoilé le fond de son âme diverse et heureuse.

Il a aimé le jeu, quoiqu’il ait parfois tenté de le nier ; mais, cette fois, l’élan d’un vers admirable l’a forcé de ne rien cacher.

  1. Joubert.