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d’eau, se dressent l’Apollon de Girardon et les Chevaux de Marsy. Dans un coin de la grotte, ils s’assoient autour de La Fontaine qui prend son cahier, tousse et commence les Aventures de Psyché.

Parvenu à l’endroit où Psyché, en laissant tomber une goutte d’huile enflammée, vient de réveiller Cupidon, La Fontaine s’arrête, prétextant que la suite exciterait des larmes :


Vous verrez souffrir une belle, et vous pleurerez pour peu que j’y contribue. — Eh bien ! repartit Racine, nous pleurerons. Voilà un grand mal pour nous !...


Indignation de Chapelle qui n’a aucun goût pour le pathétique : La Fontaine aurait tort de changer de ton, il n’a qu’à continuer comme il a commencé. Une discussion va s’engager, mais Racine exhorte ses amis à retourner dans le jardin :


Le grand chaud étant passé, dit-il, rien ne nous empêche de sortir d’ici, et de voir en nous promenant les endroits les plus agréables de ce jardin... Quant à Chapelle, il aimeroit mieux employer son temps autour de quelque Psyché que de converser avec des arbres et des fontaines. On pourra tantôt le satisfaire : nous nous assoirons sur l’herbe menue pour écouter La Fontaine, et plaindrons les peines et les infortunes de son héroïne avec une tendresse d’autant plus grande que la présence de ces objets nous remplira l’âme d’une douce mélancolie. Quand le soleil nous verra pleurer, ce ne sera pas un grand mal : il en voit bien d’autres par l’univers qui en font autant, non pour le malheur d’autrui, mais pour le leur propre.


On se lève. Mais une fois sorti de la grotte, Chapelle n’en veut pas démordre : il soutient la supériorité du rire et de la comédie contre Racine, qui défend la pitié et la tragédie, Boileau plaide la même cause. Chapelle déclare qu’il n’est pas convaincu. Cependant, après avoir admiré les bassins et le canal, les quatre amis finissent par s’asseoir sur un gazon qui borde une « goulette. » La Fontaine achève de conter les malheurs de Psyché jusqu’au pardon de Vénus, et termine par un hymne à la Volupté, fille de Psyché et de l’Amour. Boileau fait mine de reprendre la controverse en louant les endroits du récit où La Fontaine a tâché d’exciter la compassion.


— Ce que vous dites est fort vrai, repartit Racine ; mais je vous prie de considérer ce gris de lin, ce couleur d’aurore, cet orangé et