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personnifier des « tendances, » que lui-même s’est en quelque sorte dédoublé dans les personnages d’Acante et de Polyphile, l’interprétation paraît trop subtile si l’on se reporte aux premières lignes de Psyché qui désignent clairement les habitués des réunions de la rue du Colombier.

La Fontaine (nous donnons désormais son nom véritable à chacun des quatre amis) vient d’écrire les Aventures de Psyché. Il y a longtemps travaillé sans en parler à personne. Un jour il a communiqué son dessein à ses amis, et ceux-ci lui ont donné des avis « dont il prit ce qui lui plut. » Puis, l’ouvrage terminé, il demande jour et rendez-vous pour le lire.


Racine ne manqua pas, selon sa coutume, de proposer une promenade en quelque lieu, hors la ville, qui fût éloigné et où peu de gens entrassent : on ne les viendroit point interrompre, ils écouteroient cette lecture avec moins de bruit et plus de plaisir. Il aimoit extrêmement les jardins, les fleurs, les ombrages. La Fontaine lui ressembloit en cela ; mais on peut dire que celui-ci aimoit toutes choses. Ces passions, qui leur remplissoient le cœur d’une certaine tendresse, se répandoient jusqu’en leurs écrits, et en formoient le principal caractère. Ils penchoient tous deux vers le lyrique, avec cette différence que Racine avoit quelque chose de plus touchant, La Fontaine de plus fleuri. Des deux autres amis, Boileau et Chapelle, le premier étoit sérieux sans être incommode, l’autre étoit fort gai.


On approuve la proposition de Racine. Boileau annonce qu’il y a de « nouveaux embellissements à Versailles ; » on ira les voir, et l’on partira matin afin d’avoir le loisir de se promener… « Les jours étoient encore assez longs, et la saison belle : c’étoit pendant le dernier automne. »

Les quatre amis arrivent à Versailles de fort bonne heure. Ils vont visiter la Ménagerie où ils admirent des grues de Numidie et des pélicans, puis font un tour à l’Orangerie où Racine se met à réciter quelques couplets à la gloire des orangers et des jasmins, couplets médiocres dont on ne sait s’ils sont de lui ou une malheureuse invention de La Fontaine.

Tout en dînant, ils célèbrent la gloire de Louis XIV, créateur de tant de merveilles. On leur montre l’intérieur du palais, et ils s’arrêtent longtemps à contempler les meubles et les tapisseries de la chambre du Roi. Du château ils passent dans le jardin et obtiennent qu’on les laisse dans la grotte de Thétis, immense salle de rocaille où, parmi les cascades et les jets