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Sur les limites de Plaisance, de Montrouge et de Vaugirard, à la place où s’élève l’église de Notre-Dame du Rosaire, était il y a trente ans un long et infect couloir, la cité Girodet, où grouillait dans une terrible promiscuité une horde de miséreux. Une institutrice de soixante ans, sans fortune, conçut le projet d’évangéliser le quartier où une seule famille se dérangeait pour aller à la paroisse trop éloignée. Son école, ouverte dans une boutique, fut d’abord fréquentée par 6 enfants ; quelques semaines après, le nombre augmenta, puis une salle fut transformée le dimanche en chapelle.

L’abbé Solange-Bodin, assisté peu après de l’abbé Boyreau, envoyé pour fonder dans ce pays infidèle une mission qui prit le titre de « chrétienté, » se met à l’œuvre. Les enfants d’abord vinrent seuls, on atteignit ensuite des parents et, d’une année à l’autre, leur chiffre grandit. Les « persévérants » des patronages formèrent un noyau de vrais fidèles instruits et, suivant la forte expression du saint curé, « non pas seulement pratiquants, ce qui est peu de chose, mais vivant leur christianisme. » Aujourd’hui, l’école compte 600 filles et 12 maîtresses. Les patronages réunissent 1 500 enfants ; des cours professionnels, des-cercles d’hommes et d’apprentis, des mutualités, des œuvres de toute sorte, sont groupés autour de la paroisse érigée en 1911.

Grâce au travail d’apostolat qui s’est fait depuis, le quartier a changé d’esprit. D’hostile ou indifférent, il est actuellement bienveillant aux choses religieuses. La transformation de la population comme tenue extérieure, comme mentalité, comme niveau moral, est étonnante. Les familles organisées sont plus nombreuses, les unions libres plus rares, le nombre des baptêmes a presque triplé, l’ascension est constante. Malheureusement, la population est nomade, la moitié, les deux tiers peut-être, changent de logement chaque année. La mise à jour de son livre d’âmes est ici pour le prêtre un grand travail. Quand il commence à atteindre une famille, quand il a élevé des enfants pendant quatre ou cinq ans, il les voit s’éloigner, remplacés par d’autres, et son travail est à recommencer.

Ce va-et-vient continuel, grand obstacle pour obtenir des résultats étendus, désole bien des curés de la banlieue parisienne. Celui du Kremlin-Bicêtre, M. Aigouy, déplore que les gens ne fassent souvent que passer dans sa paroisse, où il n’existe