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de 15 000 âmes, échouée entre la Seine et la voie ferrée. Il s’installe dans un humble logis de deux pièces et son premier visiteur est un messager de la mairie, venu lui signifier qu’on ne veut ici ni curé ni bon Dieu.

N’importe ! le dimanche venu, dans un hangar qui joint sa maison il a installé un autel de fortune, planté deux cierges et il sonne bravement sa petite cloche. Une bonne femme arrive, hésitante, et un enfant, puis une autre, à peine cinq ou six. C’est tout. Il dit sa messe, adresse quelques mots à ces bonnes femmes, explique ce qu’il est venu faire, les charge de le répéter et puis, de nouveau, le voilà seul. Des jours et des jours se passent ainsi ; le matin, l’après-midi, des tentatives de visites, et toujours, dès qu’il se montre dans la, rue, des sifflets et des rires.

Cependant un an s’est écoulé, le jeune prêtre n’a pas perdu courage ; si nous revenons le voir, un dimanche encore, le hangar est doublé d’un autre, fermé de quelques planches, et cette chapelle est trop petite, — on s’y écrase : un groupe d’hommes est massé d’un côté ; près de l’autel, des chœurs chantent des cantiques. La messe finie, le prêtre annonce les heures des offices, de la réunion des jeunes filles du patronage, du cercle d’études pour les jeunes gens : « Un avocat de Paris viendra parler des syndicats professionnels, amenez vos amis. Demain, à dix heures, catéchisme de première communion. »

« Comment, dit au prêtre le visiteur, vous en êtes là, vous que j’ai vu si seul l’année dernière ! — Oui, c’est la grâce de Dieu, j’ai prié devant lui aux heures sombres : c’est de là qu’est venu le succès. — Et on ne vous insulte plus ? — Oh ! non, ce sont de si braves gens ! Ils ne détestent pas le prêtre, ils ne le connaissent pas. »

Partout en effet où l’on est allé au peuple, partout où un prêtre courageux, installé au milieu d’une foule ouvrière, a osé allumer cet inépuisable foyer d’amour que suscite et propage la parole de Jésus-Christ, partout, après un temps d’épreuves, il a vu de la terre ingrate, fécondée par son apostolat, se lever la moisson.

Au Petit-Ivry, malgré l’expérience heureuse d’Ivry-Port en 1908, la besogne semblait plus difficile ; on hésitait à tenter l’aventure : une chapelle simple et nue, capable de contenir