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ou bâtir ; ce qui se fit plus ou moins largement suivant les ressources, et ce qui demanda quelques années pendant lesquelles les vocations fléchirent.

Si l’on considère, d’une part le salaire dérisoire des curés, — 900 francs par an, — qui n’était ni celui d’un employé, ni celui d’un ouvrier de métier, ni celui d’un domestique, de l’autre les connaissances nécessaires pour être promu au sacerdoce et les rares vertus qu’il comporte de nos jours, on avouera qu’il est invraisemblable, — humainement, — de trouver en France plus de 40 000 hommes dont on ne saurait dire, comme de certains clercs bien rentés de l’ancien régime, qu’ils « se portent au service du ciel pour les commodités de la terre. » Le bourgeois a peu de goût pour un ministère qui exige tant et donne si peu ; les neuf dixièmes des desservants sortent de la classe laborieuse, fils d’artisans ou de laboureurs et souvent des plus malaisés. Tout près de terre par ses origines, le personnel sacerdotal est ainsi en bonne posture pour plonger dans la foule, dans cette foule défiante, passionnée d’égalité, et pour agir sur elle au jour prochain où les malentendus se dissiperont entre la démocratie et l’Evangile.

Encore faut-il qu’il ne meure pas de faim tout à fait. La crainte de cette extrémité fit, en 1905, reculer les futurs candidats et surtout les familles, effrayées sur l’avenir de leurs fils ou répugnant à ce que, par cette quête qu’il allait falloir faire de porte en porte, ils fussent « obligés, disaient-elles, de mendier leur pain. » Cette panique qui, dans plusieurs diocèses, avait commencé dès avant la séparation, se prolongea jusque vers 1909. Elle aura sa répercussion sur les ordinations pendant sept ou huit ans.

A Paris, les vocations que l’on appelle « tardives, » bien que ce soient pour la plupart celles de jeunes hommes de vingt à trente ans venus des carrières libérales, ajoutent un appoint sérieux à celui que fournissent les 300 élèves du petit séminaire de Conflans. Au grand séminaire d’Issy, qui a remplacé Saint-Sulpice, on comptait a la dernière rentrée, — octobre 1920, — 80 nouveaux candidats au sacerdoce, parmi lesquels 55 étaient de jeunes officiers, dont les galons avaient été gagnés durant les quatre années de guerre, sous le feu de l’ennemi. En province le grand séminaire est alimenté presque exclusivement par le petit, où sont élevés les enfants que l’on juge pouvoir être un