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résigné à faire plier les textes devant eux. L’opinion publique, l’opinion des masses que l’on croyait indifférentes, imposa cette retraite. C’était pour l’Église, le premier fruit de la liberté et chacun, parmi ceux mêmes qui en ont fait les frais, convient aujourd’hui qu’il n’a pas coûté trop cher.

Dans l’esprit d’un grand nombre qui en voulaient à Dieu d’avoir pour lui les gendarmes, le prêtre, devenu simple citoyen, cessa d’être impopulaire : « Nous ne voulons pas qu’il nous gouverne, avait dit le paysan, mais Nous ne voulons pas qu’on l’embête. » Les luttes religieuses perdirent de leur acuité, puis se démodèrent et l’on s’aperçut que les sectaires seraient incapables de les entretenir seuls, pourvu que les « dévots politiques, » c’est-à-dire les cléricaux, ne s’en chargeassent point.


IV

Ç’avait été une grande illusion de s’imaginer prendre l’Église par la famine. On aurait pu s’en rendre compte par l’exemple de ces congrégations à qui l’État, depuis plus de cent ans, avait coupé les vivres : les couvents qui n’avaient, à l’aurore du XIXe siècle, ni logis, ni sujets, ni ressources, s’étaient rebâtis et repeuplés sans l’aide d’aucun concordat ; si bien qu’on eût pu plaisamment soutenir, il y a vingt-cinq ans, que, parmi les effets de la Révolution française, l’un des principaux avait été la restauration des ordres monastiques. Le curé, au XXe siècle, sera-t-il moins favorisé ? Et d’abord, s’en trouvera-t-il assez pour le service du culte ? Comment s’opérera leur recrutement ? La guerre ayant fait de nombreux vides dans les rangs du jeune clergé, c’est avant le 1er août 1914, qu’il faut rechercher son effectif normal.

L’État, qui depuis Louis-Philippe avait cessé sa subvention aux petits séminaires, ne donnait plus rien pour les grands depuis 1885. Ils vivaient donc de la charité. La suppression du budget des Cultes ayant été suivie de la confiscation des biens, que l’Église française avait acquis ou hérités au cours du XIXe siècle, — une valeur de quelque 600 millions, rançon ou amende payée pour prix de la liberté intégrale, — nombre de diocèses se virent brusquement dépossédés de leurs séminaires grands et petits. Il fallut, pour en installer de nouveaux, louer