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régime ; le Roi la dominait et la servait, parce qu’il y croyait et l’aimait. Les gouvernements modernes, de 1801 à 1870, la dominaient peu, n’y croyaient guère et la servaient mal. Pour l’avoir favorisée à l’excès, Charles X la rendit odieuse au peuple ; Louis-Philippe, en la taquinant, lui procura une popularité éphémère, qu’elle perdit en s’alliant au second Empire. Confisquée par une opinion, elle fut entraînée dans la défaite de cette opinion.

Puisqu’il n’y a aucun lien nécessaire entre le catholicisme et les différents types de gouvernements monarchiques, qui se sont succédé chez nous en moins de cent ans ; et puisqu’il devait y avoir au contraire une sympathie de principes entre la démocratie et l’Evangile, il semblerait naturel de voir des catholiques et des libres penseurs, appartenant à tous les partis politiques, disséminés sur tous les bancs de la Chambre, comme l’on voit siéger des libres-échangistes à l’extrême gauche aussi bien qu’à l’extrême droite, et comme il se trouve des dévots et des incrédules parmi les partisans du privilège des bouilleurs de cru.

Seulement, par un sentiment très humain, l’Eglise catholique, après avoir été de temps immémorial seule officielle et honorée, ne se résignait point au partage. Pour elle, la liberté des cultes était comme une dépossession ; leur égalité, qu’elle regardait comme une faveur en Angleterre, qu’elle acceptait en Amérique sans arrière-pensée, lui semblait un outrage en France. Cet attachement au contrat d’union entre l’Eglise et l’Etat persista jusqu’à la fin dans le clergé, sous un gouvernement qui le haïssait ; il subsista dans ce gouvernement lui-même. Qu’importait pourtant au pouvoir de dominer un corps qui n’agissait plus que sur une minorité de citoyens ; minorité si hostile que le pape Léon XIII lui-même n’avait pas réussi à la rallier franchement à la forme républicaine ? Tout en confisquant les biens privément acquis par le moine, l’Etat continuait à payer le salaire promis au curé. Il se lassa enfin de son concordat avec cette compagne mécontente. Il divorça, en gardant la dot.

On crut l’Eglise perdue ; elle était sauvée. Quand elle se plaignait trop fort, au temps où l’Etat était encore uni à elle, il la menaçait, comme du pire traitement qu’elle eût à redouter, de la jeter à la porte, sans le sou, de l’envoyer mendier son