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Personne ne se scandalisa de voir l’État intervenir envers les hérétiques dissidents, comme envers les païens ; on alla très vite jusqu’au massacre. « Ces mesures, dit Eusèbe, eurent pour effet de rallier à l’Eglise un grand nombre de dissidents. » Quand le pouvoir était hérétique ou schismatique, c’est aux catholiques que la police faisait la vie dure, suivant ce précepte législatif qu’il n’y avait qu’une manière d’être chrétien : celle que reconnaissait l’Etat et qu’estampillaient ses proconsuls.


III

Depuis le IVe siècle jusqu’à l’aurore du XIXe, depuis Constantin jusqu’à Napoléon, il y eut très peu de variations dans le régime du mariage de l’Etat avec l’Eglise. Celle-ci, en épousant l’Empire romain, s’était alliée à un malade qui devint bientôt un moribond ; elle le remplaça par des rois barbares qui passèrent avec elle le même contrat. Les dynasties changèrent, les bases de l’union ne changèrent pas ; Louis XIV apprécie les devoirs de l’Eglise vis-à-vis de l’Etat et les droits de l’Etat sur l’Église de la même façon que Philippe le Bel, Charlemagne ou Théodose.

Et Napoléon Ier, là-dessus, pensait comme Louis XIV, en disant que « les affaires religieuses ont toujours été rangées par les différents Codes des nations au nombre des matières qui appartiennent à la haute police de l’Etat. » Il allait même beaucoup plus loin en ajoutant : « qu’il ne voyait pas où placer, entre l’autorité civile et la religieuse, une ligne de séparation dont l’existence n’est qu’une chimère... Il faut une religion au peuple et il faut que cette religion soit dans la main du gouvernement. »

Pour lui le prêtre était un gendarme sacré, en soutane, agent préventif plus efficace que l’agent répressif et assermenté, en bottes fortes ; il entendait les faire marcher tous deux du même pas. Aussi bien, pour mieux assurer le départ des conscrits, avait-il introduit dans le catéchisme la formule suivante : « Nous devons à Napoléon Ier, notre empereur, l’amour, le respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la défense de l’Empire et de son trône. Car il est celui que Dieu a suscité... » Seulement Napoléon,