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certain, ce que la Séparation vient de démontrer de nos jours, que les forces de police, retournées cette fois contre l’Eglise, seront aussi impuissantes à déchristianiser les croyants, que les mêmes forces avaient été incapables au XIXe siècle de catéchiser libres penseurs.

L’école d’Etat elle-même n’y sert de rien ; qui tient l’école ne tient pas l’avenir. Les catholiques, inconsolables d’avoir perdu l’école officielle, ne tarderont pas à constater qu’elle ne procure pas non plus à leurs successeurs l’empire des consciences.


II

La Séparation, dès son début, a trompé tout le monde, ceux qui l’ont faite autant que ceux qui l’ont subie. L’Eglise française en avait grand’peur. C’était pourtant le propre du christianisme d’avoir instauré dans le monde la distinction du spirituel et du temporel ; cette doctrine était sortie tout entière de l’Evangile. Partout avant Jésus-Christ, dans l’antiquité païenne, à Babylone, en Perse, en Egypte, à Rome et, même dans la Judée israélite, à Jérusalem, le Roi était plus ou moins pontife, le grand-prêtre était partie intégrante et supérieure de l’Etat. Tendance si naturelle à l’humanité que, chez la plupart des chrétiens séparés de Rome, les chefs d’Etat ont longtemps été chefs d’Eglise.

Le Christ au contraire avait établi formellement la distinction des deux domaines. Soit qu’il déclare que « son royaume n’est pas de ce monde » ou qu’il ordonne de « rendre à César ce qui appartient à César, » soit qu’il commande à Pierre de « remettre son épée dans le fourreau, » ou qu’il réponde à qui lui demande de s’entremettre dans la division d’un héritage : « Homme, qui m’a établi pour faire vos partages ? » ou encore, qu’à cette suggestion de faire descendre le feu du ciel sur le bourg samaritain qui l’a repoussé, il reprenne Jacques et Jean par cette rude parole : « Vous ne savez à quel esprit vous appartenez ; » partout, en vingt occasions, Jésus sépare à jamais le « Royaume de Dieu » des vues, des ambitions et des contentions terrestres.

Le régime sous lequel il était né, n’avait pas mal réussi au christianisme, puisque ce fut à ses progrès incessants pendant trois siècles, à la multiplication de ses adeptes malgré les persécutions, qu’il dut la force populaire par laquelle il s’imposa au pouvoir. La liberté de conscience que proclama l’empereur