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des chars d’assaut ; enfin il ne cessait de réclamer l’unité de commandement, seule susceptible, d’après lui, de nous assurer le succès définitif, et une direction énergique de la guerre. La constitution d’un ministère Clemenceau, qu’il avait plus d’une fois appelé de ses vœux, en dépit de tout ce qui le séparait d’un tel chef, lui causa le plus vif plaisir. Quand on allait le voir à Mirecourt, on était vite conquis par la charmante simplicité d’un accueil où la plus parfaite bonne grâce du vieux gentilhomme s’alliait à la vivacité et à la sérénité d’un esprit resté très jeune et très ouvert et à la plus exquise et la plus franche bonté. Au milieu d’un état-major qui l’adorait pour son « humeur toujours égale, sa cordialité de tous les instants » et qui formait autour de lui « une petite famille unie par l’intelligence et par le cœur, » il savait obtenir de tous et de chacun le maximum de travail utile et de dévouement patriotique. Attentif aux moindres détails de la vie de ses hommes, ferme et paternel tout ensemble, il symbolisait à leurs yeux le vrai chef français, et, dans le salut du plus humble de ses soldats, on surprenait une nuance particulière de respect et d’affection. Quand on lui décerna, en septembre 1917, la médaille militaire, son plus grand regret fut de ne pas recevoir le glorieux insigne devant son ancien régiment, le 37e d’infanterie, et des mains du plus ancien sous-officier médaillé de ce régiment : l’armée tout entière eût compris l’élégance cordiale et la haute signification de ce geste.


LA FIN DE LA GUERRE

Cependant la campagne de 1918 qui se préparait n’était pas sans inspirer au général de Castelnau d’assez vives inquiétudes. La défection russe allait permettre aux Allemands de concentrer sur notre front presque toutes leurs forces et de faire contre nous, avant la réunion de tous nos moyens offensifs, un très gros, et peut-être décisif, effort : saurions-nous y répondre ? Un jour, trois mois avant l’attaque du 21 mars, déjeunant avec lord Milner, il avait dit à l’homme d’Etat anglais le point précis où, selon lui, les Allemands attaqueraient, les raisons de cette attaque, les dangers qu’elle présenterait, la parade à y opposer. Toutes ces prévisions devaient se réaliser point par point ; mais les mesures à prendre en vue de cette offensive éventuelle