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éprouver bien des inquiétudes. Ces inquiétudes et ces doutes manifestent si vivement au cours de la discussion, que le général Nivelle offre sa démission, laquelle est d’ailleurs refusée. Appelé à donner son avis, le général de Castelnau se récuse sur son insuffisante connaissance des données du problème ; il n’a rien trouvé dans les archives du groupe des armées de l’Est qui puisse éclairer sa religion à cet égard, et il rappelle simplement les principes généraux d’une véritable politique de guerre ; mais il est très ému des divergences de vues qu’il constate, et les appréhensions qu’il éprouvait, depuis quelque temps, touchant les nouveaux plans d’opérations, redoublent.

On sait ce qui arriva. Les armées alliées s’étant, contrairement à ce qui avait été décidé, relâchées de leur surveillance agressive, les Allemands s’étaient dégagés et avaient exécuté leur fameux repli sur la ligne Hindenburg. Un nouveau plan d’offensive avait été dressé : il s’agissait cette fois, de « prendre le taureau par les cornes, » — et quelles cornes ! — c’est-à-dire d’emporter le formidable massif de Saint-Gobain. L’armée française, pour quelque cause que ce soit, n’y put réussir, et son avance fut peu importante. Une dépression morale s’ensuivit, contre laquelle il fallut réagir énergiquement. Le général Pétain fut mis à la tête des armées françaises, et le général Foch fut adjoint au ministre de la Guerre, en qualité de chef d’état-major général, chargé de la conduite des opérations : c’était le poste même qu’on avait voulu créer naguère pour le général de Castelnau. Celui-ci, très attristé par tous ces mécomptes qu’il avait prévus, et qui retardaient d’une année au moins la décision, n’en faisait pas moins tous ses efforts pour relever le moral de ceux qu’il pouvait atteindre : sans nier les fautes commises, il appuyait sur nos raisons croissantes d’espérer ; il applaudissait aux mesures vigoureuses prises pour enrayer le « défaitisme » et pour accroître nos moyens d’action ; il avait dans l’efficacité de l’intervention américaine la plus grande confiance ; il demandait qu’on poussât avec la plus grande activité les fabrications de guerre ; il s’intéressait passionnément aux choses de l’aviation, et il souhaitait que, dans ce domaine, l’Entente, grâce à la coopération des États-Unis, Créât une supériorité qui lui permettrait d’obtenir la victoire totale ; déjà il esquissait la stratégie et la tactique des futures batailles aériennes ; il encourageait vivement la construction