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missions alliées prennent congé, le 21, des Russes, pour s’embarquer à Kola et regagner leurs pays respectifs.

Le général de Castelnau laissait en Russie des regrets sincères : il avait su, en peu de temps, sans blesser personne, conquérir dans tous les milieux une grande autorité intellectuelle et morale : son désintéressement, sa rectitude de pensée ont stimulé les énergies ; il a donné d’excellents conseils, et qui n’ont pas tous été perdus. Mais lui, de son côté, emportait de son voyage une impression assez fâcheuse, et qu’un très prochain avenir ne devait que trop justifier : un tsar foncièrement bon, honnête, animé des meilleures intentions, mais faible, timide, dominé par sa femme, dont l’autoritaire influence l’a isolé de sa famille et de tout son peuple ; un pays sourdement travaillé par la révolution, et où l’anarchie, la corruption, l’incurie administrative sévissent à tous les degrés ; une armée médiocrement commandée, insuffisamment armée et peu instruite, et dont les transports, les services essentiels sont organisés d’une manière déplorable : telle est l’image qu’il se forme désormais de cette alliée dont la formidable puissance et les prodigieuses ressources ont été gâchées comme à plaisir par ses lamentables dirigeants.


AU GROUPE DES ARMÉES DE L’EST

Rentré à Paris le 4 mars, à la veille d’une crise ministérielle, le général de Castelnau ne put prendre que le 31 possession de son commandement du groupe d’armées de l’Est. Il avait fini par accepter ce poste lointain sur les instances du général Lyautey qui aurait voulu se l’adjoindre comme chef d’état-major, mais qui n’avait pu y parvenir, et du général Nivelle qui, préparant son offensive, invoque en termes pressants l’intérêt du pays : on envisageait en effet une attaque secondaire en Haute-Alsace. A peine installé à Mirecourt, il parcourt dans tous les sens le secteur qui lui est confié, prenant contact avec ses subordonnés, étudiant les organisations défensives, se tenant prêt à toutes les éventualités. Le 5 avril, il est convoqué, avec les autres commandants de groupes d’armées, à Compiègne, pour y prendre part, le lendemain, à un grand conseil de guerre en vue de la prochaine offensive, sur l’issue de laquelle les généraux exécutants et le gouvernement semblent