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dans les dépôts ; elle a perdu 2 millions de prisonniers, 2 millions de tués ou blessés ; elle demande à être abondamment ravitaillée en canons et en munitions. Dans les différentes conférences militaires auxquelles il prend part, le général de Castelnau frappe vivement ses interlocuteurs étrangers par sa netteté d’esprit, la fermeté de son bon sens, sa haute et courtoise compétence technique ; il fait mettre au point nombre de détails que l’imprécision russe a négligés, et grâce à son intervention, on finit par tomber d’accord sur tous les points. Le 5 février, il est reçu en audience privée parle tsar, et, honneur exceptionnel, retenu à déjeuner à la table de famille impériale : son enjouement, sa franchise, sa fine souplesse toute enveloppée de bonhomie séduisent visiblement Nicolas II, qui lui exprime le désir de le revoir encore avant son départ. A de chauds compliments sur la reconstitution des forces russes le général mêle d’habiles et discrets conseils sur les progrès qui restent encore à réaliser, notamment en ce qui concerne l’essentielle question des transports ; il insiste sur la possibilité et la nécessité de porter, cette année, à l’Allemagne un coup mortel, sur le grand rôle que peut jouer l’armée russe et il pose la question, qui lui tient au cœur, de la coopération japonaise. Sur toutes ces questions, sauf la dernière, qui est réservée, il obtient la facile adhésion de l’Empereur. Et dans toutes les réunions, visites, réceptions ou banquets qui le mettent en relations avec des hommes d’État ou généraux russes, il développe les mêmes idées, se faisant l’apôtre ardent de l’unité d’action sur l’unité de front « l’union des cœurs » surtout, et sachant à merveille, tout en insinuant ses directions, ménager l’orgueilleuse susceptibilité moscovite.

Le 8 février, il part, avec la mission militaire française, pour Minsk, au quartier général du général Evert, qui commande les armées du Centre. Là il se fait renseigner avec précision sur les conditions exactes de la lutte entre Allemands et Russes, sur les procédés d’attaque et de défense, indique ceux qui, sur le front français, ont donné les meilleurs résultats, glissant ainsi d’utiles critiques et de judicieux conseils sous forme indirecte. Puis il se rend au front, accompagné du savant et dévoué Jules Legras, afin de se bien rendre compte de toutes choses par lui-même, passe en revue plusieurs compagnies, interroge, observe, pousse jusqu’aux premières lignes, et le 11, il repart