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l’invasion de la Roumanie. Pour rétablir la situation, il fallut envoyer là-bas une mission militaire française avec le général Berthelot.

Ces échecs, l’incomplète victoire de la Somme avaient fini par déterminer, dans les milieux parlementaires, un état d’esprit peu favorable au haut commandement, tel qu’il était organisé. Le général de Castelnau n’en continuait pas moins à remplir de son mieux les multiples tâches qui lui étaient assignées. Pressentant que la coalition germanique était plus gravement atteinte qu’elle ne paraissait l’être, il élaborait, pour la campagne de 1917, un plan d’opérations qui, s’il avait été très exactement suivi, aurait, sans doute, réduit à merci l’Austro-Allemagne et avancé d’un an la victoire alliée. Il consistait essentiellement à ne laisser aucun répit à l’armée allemande sur le front occidental durant tout l’hiver et, par une puissante offensive franco-britannique qui se déclencherait au printemps, à lui porter le coup de grâce. D’ici là, sur la Somme et à Verdun, il s’agissait, par une série de vives attaques locales, de la harceler, de l’user dansées forces vives, surtout de ne pas lui permettre de se dégager de notre étreinte. Au printemps, en corrélation avec l’effort des armées italienne et russe, Français et Anglais, qui auraient alors atteint le maximum de leur puissance militaire, marcheraient à l’assaut suprême. Moins éprouvée que l’armée française, c’est à l’armée anglaise qu’incomberait le principal rôle dans cette future offensive, qui serait comme une suite de la bataille de la Somme, et qui chercherait, entre Arras et l’Oise, à consommer la rupture du front ennemi. Éventuellement, entre Craonne et Reims, ou entre Auberive et l’Aisne, on préparerait des attaques secondaires de surprise, destinées à déconcerter l’Allemand et à soulager le front principal.

Pleinement approuvé par le général Joffre, ce plan fut soumis à la conférence interalliée qui se tint à Chantilly les 15 et 16 novembre 1916, et qui s’empressa de l’adopter. Mais à la suite d’une longue crise gouvernementale et parlementaire dont le détail amusera — ou attristera — la malicieuse postérité, le haut commandement français fut complètement remanié. Le général Joffre, nommé maréchal, fut remplacé par le général Nivelle, et le général Lyautey fut appelé au ministère de la Guerre. Un moment, il fut question d’appeler, auprès du nouveau