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s’étonnaient de noire timidité, timidité dont, en plus d’une circonstance, ils nous avaient du reste donné l’exemple à Verdun. Conçues dans un tout autre style, les deux contre-offensives exécutées le 20 octobre et le 15 décembre, à Verdun même, par les généraux Mangin et Nivelle étaient de nature à satisfaire pleinement le vainqueur du Grand-Couronné, et il en soulignait avec joie les importantes conséquences, se plaisant à répéter, suivant une formule qui lui était chère, que « les offensives à objectifs limités sont des offensives à résultats certains, mais à rendement nul. » En réalité, les événements lui donnaient raison. Sauvée par une défensive tenace, telle que seule une armée constituée et encadrée comme l’armée française en pouvait fournir, la vieille cité lorraine avait été dégagée par l’offensive, même imparfaite, de la Somme ; et maintenant, elle se délivrait elle-même par une vigoureuse reprise d’offensive. Sur ce roc inexpugnable, l’ennemi s’était brisé les dents, et il avait usé ses forces à un degré que nous n’avons pu soupçonner qu’après coup.

Il faisait d’ailleurs bonne contenance, et les coups qui pleuvaient sur lui ne semblaient pas ébranler sa farouche résistance. Tandis que Broussiloff déclenchait contre l’Autrichien ses triomphales attaques, l’Italie déclarait la guerre à l’Allemagne et la Roumanie entrait en lutte avec l’Autriche. Le général de Castelnau qui, de tout son pouvoir, avait poussé à l’intervention roumaine, avait aussi collaboré très activement au plan d’opérations que devaient exécuter nos nouveaux alliés. Ce plan comportait, outre l’invasion de la Transylvanie par l’armée roumaine et une menace directe contre l’aile Sud de l’armée autrichienne, de très vigoureuses actions de l’armée russe et de l’armée interalliée de Salonique. Un fâcheux concours de circonstances vint faire échouer ce plan qui, s’il avait pu se réaliser, aurait probablement mis l’Autriche hors de cause. D’abord, durant les longues négociations qui précédèrent l’entrée en scène de la Roumanie, les Puissances centrales avaient eu le temps de préparer une habile riposte. D’autre part, l’armée roumaine n’avait pas l’entraînement et la solidité d’encadrement qui eussent été nécessaires, et qu’on nous avait fait espérer. De plus, pour des raisons demeurées obscures, les Russes ne furent pas exacts au rendez-vous, ni l’armée d’Orient non plus. Le résultat fut l’écrasement de l’armée roumaine,