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pas de préparer des instructions et de téléphoner des ordres. De loin en loin, aux moments difficiles, on le voyait arriver à Verdun, ferme et paternel tout ensemble, l’œil vif et clair, le sourire aux lèvres, la parole alerte et gouailleuse, avec quelques bonnes bouteilles d’un vin généreux dont il voulait faire la surprise à « ses enfants. » Tout en « blaguant, » il interrogeait, se faisait très exactement renseigner, allant toujours au point vif des questions, encourageant, conseillant, morigénant, tempêtant même quelquefois, laissant partout où il passait des fronts moins tendus, des volontés plus ardentes, des cœurs moins las et plus confiants.


LA PRÉPARATION DE LA BATAILLE DE LA SOMME

Mais si important qu’il fût, Verdun n’était qu’un point de l’immense échiquier, et c’est à la direction totale de la guerre que, par ses fonctions comme par ses tendances naturelles d’esprit, le général de Castelnau devait s’intéresser et coopérer. Il y était admirablement préparé par les études de toute sa vie, par ses préoccupations constantes. Cette guerre titanesque et prodigieusement complexe, peu de cerveaux l’ont, dès le premier jour, aussi fortement et aussi largement pensée. Dans tous les conseils de la coalition, — conférences interalliées, séances du Conseil supérieur de la Défense nationale, — on sollicitait son avis, et non pas seulement sur les pures questions militaires, et il le donnait avec sa bonhomie et son autorité coutumières ; mais aussi avec une franchise qui, plus d’une fois, fut trouvée un peu importune. Il poussait à la réalisation intégrale de l’unité d’action politique et militaire, à l’utilisation complète de toutes nos alliances, y compris l’alliance japonaise, à la conclusion d’alliances nouvelles, à la formation de nouveaux fronts, à la fabrication intensive du matériel de guerre. D’accord avec le général Joffre, non sans difficulté, il faisait triompher l’idée, pour dégager Verdun, d’une offensive franco-britannique qui, sur un terrain choisi et préparé par nous, nous permettrait de profiter de notre supériorité numérique et d’user en les dispersant les forces de l’ennemi. A Verdun, pensait-il, il ne pouvait être, au moins pour l’instant, question que de nous défendre : l’énorme matériel de siège qu’avait réuni l’ennemi n’avait pas son équivalent chez nous, et nous ne pouvions songer à rivaliser