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dans tous les services, et, avec l’ordre, la confiance et l’espoir Il reste à organiser les transports, car il règne, sur les derrières de l’armée, un formidable « embouteillage. » Le général de Castelnau va s’en occuper : il arrête, d’accord avec le directeur du service automobile, le capitaine Doumenc, les dispositions à prendre, et bientôt, sur la « voie sacrée, » qu’incessamment réparent des équipes de territoriaux, circuleront sans fin et sans le moindre désordre ces « camions de la victoire » qui apporteront à Verdun les vivres, les munitions et les renforts destinés à l’alimentation de la gigantesque bataille.

Deux jours encore, Castelnau restera à Verdun, prodiguant ses conseils, courant d’un secteur à l’autre, visitant les généraux à leur poste de commandement, interpellant et encourageant paternellement les hommes, attentif aux moindres détails et toujours prêt aux vues d’ensemble, donnant partout l’exemple de la stricte discipline, de l’esprit de sacrifice, de la bonne humeur, d’une sérénité imperturbable. Le 29, voyant fonctionner admirablement tous les rouages de la puissante machine qu’il a montée, et jugeant sa présence désormais plus utile au grand-quartier général, il repart pour Chantilly. Quatre jours lui ont suffi pour rétablir la situation non seulement matérielle, mais surtout morale : il a, à la lettre, créé ce qu’on peut appeler l’âme de Verdun. Le même jour, désespérant de faire dans la fière cité inviolée l’entrée triomphale qu’il rêvait, l’empereur Guillaume est reparti pour Berlin.

Quatre mois durant, va se prolonger le gros effort allemand contre Verdun. Pour soutenir cet effort et pour y répondre, toute l’armée française, successivement, a souffert le plus dur des martyres, faisant preuve, dans la plus âpre des défensives, d’une continuité de vaillance, d’une capacité de patience stoïque qui ont justement émerveillé le monde, à commencer par nos ennemis eux-mêmes, et qui ont certainement reculé les limites connues de l’héroïsme collectif. Mais si nos soldats ont beaucoup peiné à Verdun, on souffrait aussi à Chantilly, de bien des manières, et l’on y travaillait ferme. Une résistance aussi prolongée et aussi difficile suppose à l’arrière un effort d’organisation et de prévision, une vigilance attentive, une activité constamment tendue qui sont choses infiniment méritoires. De tout cet effort obscur et nécessaire, le général de Castelnau, — on le saura mieux un jour, — prenait largement sa part. Et il ne se contentait