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s’emparer, par surprise, du fort de Douaumont : il n’ira pas plus loin.

De Verdun, le général de Castelnau est retourné à Dugny, puis à Souilly, où se transporte le quartier général de Herr. Entre temps, il a téléphoné au général Pétain, qui, dans la matinée, est passé à Chantilly et à Châlons, de venir l’y rejoindre d’urgence. A dix-sept heures, arrive, après le général de Langle, le général Pétain : celui-ci a reçu du général Joffre la mission de prendre le commandement de toutes les forces de la rive gauche, pour soutenir et recueillir, au besoin, les troupes de la rive droite, si elles sont forcées de repasser la Meuse. Le général de Castelnau lui expose la situation, et, annulant spontanément et audacieusement les instructions du généralissime, il lui prescrit de prendre immédiatement le commandement de toutes les forces françaises sur les deux rives de la Meuse et la direction de la bataille ; le général Herr lui sera adjoint pour lui fournir tous les renseignements utiles, et l’excellent état-major de la 2e armée absorbera purement et simplement celui de la région fortifiée de Verdun. Conception hardie et généreuse qui utilise et concilie toutes les expériences et toutes les aptitudes, et qui escompte le désintéressement patriotique de tous. Seul, un état-major entraîné et homogène comme celui de la 2e armée, que Castelnau connaît et qu’il a formé lui-même, était capable, en pleine crise, de se substituer à un autre. A vingt heures, Pétain a pris son commandement. Le général de Castelnau peut alors, dans la soirée, retourner à Bar-le-Duc : par la rapidité de ses décisions, par l’heureuse opportunité de ses initiatives, par la vertu réconfortante de sa parole, de son autorité morale, de sa présence réelle, Verdun est véritablement sauvé et, avec Verdun, les lointaines destinées de la France.

Le lendemain matin, 26, à Verdun, le général Balfourier lui apprend la reprise de la côte du Talou et la prise de Douaumont. Castelnau donne immédiatement l’ordre de reprendre Douaumont à tout prix. En sa présence, Pétain, qui vient d’arriver, donne aux généraux placés sous ses ordres des instructions d’une précision parfaite. A Souilly, l’état-major de la 2e armée fonctionne avec une méthodique activité impressionnante : sous la direction de l’admirable colonel de Barescut, l’un de ces grands serviteurs du pays dont la gloire est faite d’abnégation obscure et joyeuse et de supériorité volontairement voilée, l’ordre renaît