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la violence de l’attaque et la fragilité de notre défense, il aurait pu se laisser aller au découragement et au doute. Mais il eut en un éclair l’ardente vision de tout l’héroïsme depuis tant de mois dépensé par les enfants de France, et, le passé lui étant un garant de l’avenir, il fit un suprême acte de foi dans l’indomptable valeur française ; et rien dès lors ne put ébranler sa tranquille, contagieuse et mystique confiance.

II arrive à Verdun vers huit heures, gagne la rive droite, donne aux commandants des grandes unités les instructions et les ordres qu’il juge nécessaires : puis il étudie la situation d’ensemble. Elle est grave et ne comporte à ses yeux qu’une seule solution : il s’agit de mettre sans retard le commandement de la région fortifiée de Verdun entre les mains du commandant de la 2e armée.

A Dugny, au milieu d’un état-major désemparé par la défaite, par plusieurs nuits d’insomnie, le général Herr, très fatigué lui aussi, reçoit avec gratitude les encouragements et les instructions de son chef, qui lui confirme ses ordres d’Avisé, et dont la parfaite sérénité, la parole précise et cordiale apportent un peu d’espoir et de réconfort à ces hommes surmenés et aux prises avec des difficultés terribles. Puis on retourne à Verdun. Le 20e corps, après une course éperdue, en. camions et à pied, vient d’arriver ; on ne lui laisse le temps ni de manger, ni de souffler, et on le jette immédiatement dans la bataille. Son chef, le général Balfourier, a installé son quartier général à la caserne Bévaux ; il a pris le commandement du front Nord de la rive droite ; il est admirable de calme et de confiance ; et l’état-major est digne du chef. Certes, la situation est grave : les Allemands ont pris le bois des Fosses, et ils attaquent Douaumont et la côte du Talou. Mais, sous les feux du général de Bazelaire qui les prend en écharpe de la rive gauche, ils subissent des pertes sanglantes, et Castelnau arrête les dispositions qui doivent finalement les clouer sur place. Ses instructions nettes, précises, lumineuses, sont transmises par Balfourier aux commandants de division. On l’entend qui téléphone : « Le général de Castelnau, qui est ici, à côté de moi, donne l’ordre de tenir coûte que coûte sur les positions actuelles... » Le sort de la bataille est maintenant fixé : l’ennemi pourra bien encore, dans la journée du 25, nous rejeter de la côte du Talou et même