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l’Italie, où il recueille sur place bien des indications utiles, et, le 31 décembre, il est de retour à Paris.

Il y rentrait avec la persuasion croissante que les armées françaises ne pourraient, d’ici plusieurs mois, fournir un effort offensif aussi puissant que celui qu’elles avaient récemment fourni en Champagne et en Artois, qu’il y avait donc lieu de les mettre partout sur la défensive et, en renouvelant leurs cadres, de leur infuser une sève nouvelle. Contrairement à l’opinion trop optimiste qui avait cours dans certains milieux militaires, il estimait que l’Allemagne était parfaitement capable, en ramenant des troupes de Russie, de nous attaquer avec vigueur au cours de l’hiver. Et, en conséquence, il prêchait, sur toute l’étendue de notre front, la nécessité d’une organisation de plus en plus parfaite et attentive, et, à l’arrière, la fabrication intensive du matériel de guerre. N’était-il pas d’ailleurs urgent, puisque l’Angleterre allait enfin avoir une armée digne d’elle, d’aider activement les Russes à reconstituer leurs propres forces, en vue des offensives conjuguées de la prochaine campagne ?

Justement, comme pour confirmer ces pronostics, voici que, le 17 janvier, des déserteurs allemands, capturés par la 3e armée, déclarent que l’ennemi prépare, pour la fin de janvier ou le commencement de février, une grande offensive contre Verdun. En même temps, des indications venues d’une autre source font pressentir une attaque à fond contre le groupe des armées de l’Est. Mis en éveil par ces renseignements, le général de Castelnau part, le 23, pour Verdun : trois jours de suite, il inspecte les organisations défensives ; sur plus d’un point essentiel, — au bois des Caures, au bois de Cumières, — il les trouve à peine ébauchées ou insuffisantes, et il prescrit énergiquement de les renforcer d’urgence. Mais, sans jamais cesser d’avoir l’œil sur cette région, qui le préoccupe, il ne pourra, faute de temps et faute de bras et détourné d’ailleurs par deux voyages d’inspection dans le Nord, faire mettre au point comme il l’aurait voulu, l’organisation qu’il jugeait nécessaire, et, quand la menace allemande se précisera, la défense de Verdun ne sera guère plus avancée qu’elle ne l’était un mois auparavant.