Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/811

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


A SALONIQUE ET A CHANTILLY

Tant de services rendus, tant d’idées justes, fécondes et de sages prévisions libéralement prodiguées avaient fini par imposer à tous les milieux le nom et l’autorité du général de Castelnau. Le 10 décembre 1915, il était adjoint au général en chef, lequel recevait le commandement de toutes les armées françaises, et on lui confiait plus spécialement le soin de diriger les opérations sur le front du Nord-Est. A peine installé à Chantilly, il était envoyé en mission à Salonique, pour étudier l’organisation éventuelle de la place.

Pour toute sorte de raisons, politiques autant que militaires, la situation était très difficile en Macédoine : le désastre subi par l’armée serbe, la proximité de la menace germano-bulgare, l’insalubrité du climat, la sourde hostilité de la Grèce officielle, la présence des sous-marins allemands en Méditerranée, les divergences de vues entre alliés, tout cela rendait assez précaire l’établissement, pourtant si nécessaire, des forces de l’Entente en ce coin du sol hellénique. Parti le 15 de Paris, le général de Castelnau arrive le 19 en rade de Salonique. Il prend immédiatement contact avec les hommes et avec les choses, se transporte sur le terrain, se fait rendre compte de l’état des travaux, détermine l’emplacement des lignes de défense, trouve le temps, entre plusieurs visites officielles, d’aller voir, dans deux hôpitaux, les blessés français et de leur adresser à tous quelques cordiales paroles : et quand il quitte la ville le 25, il s’est renseigné sur tous les points importants, et les instructions qu’il laisse sont un modèle de netteté, de réalisme et de clairvoyance. Le lendemain, l’Ernest Renan arrive à Athènes, où le général a l’ordre de voir le roi Constantin. Celui-ci se répand en récriminations et en protestations de sympathie. Avec une courtoise fermeté le général lui laisse entendre que la Grèce ne pourra indéfiniment rester neutre et lui donne l’assurance que les Alliés sont inébranlablement résolus non seulement à rester à Salonique, dont la situation est maintenant inexpugnable, mais encore à poursuivre la guerre jusqu’à l’écrasement de l’Allemagne. Puis, après une rapide enquête auprès de nos agents diplomatiques et militaires, il repart, traverse de nouveau