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fusaient les lueurs des éclatements. L’artillerie ennemie ne réagissait pas. Le 23, le général de Castelnau transporte son poste de commandement de Pierry à Châlons. Au sud de la ville vient d’arriver la 7e division de cavalerie, que commande le général de Mitry. Les météorologistes annoncent quarante-huit heures de beau temps. Hélas ! dans la nuit du 24 au 25, la pluie se met à tomber, et, à part une courte éclaircie dans la matinée suivante, elle ne cesse plus jusqu’au 29. « Décidément, soupirait le général, le bon Dieu est pour les Boches ! » On ne crut pas, vu l’état des munitions, pouvoir ajourner l’attaque. Et le 25, à 9 heures 15, sous l’averse et dans la boue gluante, avec un élan merveilleux, la 2e et la 4e armée partaient à l’assaut.

« Quand on étudiera après la guerre, disait le général, avec les plans que nous possédons, l’assaut du 25, on restera stupéfait de la valeur des troupes qui ont su enlever des ouvrages défensifs aussi étendus et aussi formidables. A aucune époque de l’histoire, et en aucune occasion, l’infanterie française n’a déployé une pareille vaillance. » Une avance de un à quatre kilomètres sur un front de 25, des positions inexpugnables prises et gardées, de nombreux canons et un important matériel capturés, 12 000 prisonniers : voilà les résultats de cette première journée d’offensive. Le lendemain, on recommence, et on achève la conquête de la première position allemande. Castelnau se rend à Suippes, où Mitry, avec ses cavaliers, attend, plein d’espoir, qu’on lui ouvre la voie, et où l’on a transporté Marchand, tombé la veille à la tête de sa division coloniale : il va voir l’héroïque blessé, l’embrasse, lui exprime sa profonde gratitude et lui donne sa propre plaque de grand officier de la Légion d’honneur. Vigoureusement attaquée, crevée même sur un point, la seconde position ennemie parait devoir céder, et des ordres sont donnés par les Allemands pour l’évacuation de toute la région de Vouziers. Mais une série de circonstances fortuites, comme il s’en présente si souvent à la guerre, favorise l’arrivée des renforts ennemis : la brèche est fermée, et l’effet de surprise une fois produit, la défense allemande se révèle si forte, qu’il faut renoncer à la briser. Jusqu’au 8 octobre, on s’y efforce, non sans résultat, mais sans succès. Entre temps, le 2 octobre, le général de Castelnau apprenait la mort glorieuse en Artois de son troisième fils, Hugues, tué en commandant une