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épuisante retraite, — il n’y avait qu’à s’incliner et à préparer l’affaire avec tout le soin désirable. On pouvait s’en remettre là-dessus au nouveau chef du groupe des armées du Centre. Quatre armées sont sous ses ordres : la cinquième, à gauche, que commande Franchet d’Esperey, la deuxième et la quatrième, au centre, que commandent respectivement Pétain, qui vient de faire ses preuves en Artois, et Langle de Cary, « un Bayard moderne, » au témoignage de son supérieur ; à droite, la troisième armée, dont Humbert vient de prendre le commandement. En contact perpétuel avec ses commandants d’armée, et en accord étroit avec eux, Castelnau met ingénieusement à profit toutes les leçons pratiques que comportent les expériences successives des attaques précédentes ; aussi minutieusement attentif aux plus minces détails qu’aux vues d’ensemble, il ne néglige rien de ce qui peut, même de très loin, concourir au succès et assurer la sécurité des troupes. « Un bon ensemble, aimait-il à dire, est la résultante de beaucoup de détails bien étudiés. » Très bienveillant, mais intransigeant sur la discipline, sachant, quand il le faut, imposer sa volonté, — « une volonté de fer, » — il excelle à connaître les hommes, à tirer de chacun deux tout le parti possible, à les faire collaborer fraternellement à une œuvre commune. Lui-même paie magnifiquement de sa personne, estimant que « quand on envoie des hommes à la mort, on n’a la paix de la conscience que si on a la quasi-certitude d’avoir fait plus que son devoir, » paraissant à l’improviste aux endroits les plus inattendus, surveillant tout, se faisant rendre compte de tout, et, les yeux dans les yeux de chacun de ses soldats, leur insufflant à tous son ardeur et sa foi, sa volonté de « mourir puissamment, » bref, donnant à tous, petits ou grands, la sensation visuelle, vivante et agissante, du grand chef complet qui commande et qui protège. Quand, en pleine offensive, Clemenceau viendra, en sa qualité de président de la Commission sénatoriale de l’armée, inspecter les services du groupe d’armées du Centre, il déclarera : « Je reviens enchanté de ce que j’ai vu. Je passe pour avoir l’esprit critique. Eh bien ! je n’ai rien à critiquer. C’est donc que c’est rudement bien. »

La préparation d’artillerie commença le 22 septembre : elle fut formidable. Toutes les positions allemandes disparaissaient dans un immense nuage de fumée et de poussière de craie, où