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ni repos jusqu’à la percée large et définitive du front allemand... Les prévisions en munitions disponibles doivent tenir compte de la nécessité, dès le front rompu en un point, de pousser les opérations avec la plus grande rapidité et la plus grande vigueur possibles sur tout le front de l’Yser aux Vosges.


Cette attitude d’expectative permettra d’ailleurs de distraire de notre front des forces importantes que nous pourrons utiliser sur de nouveaux théâtres d’opérations. Car il s’agit essentiellement de rompre les voies de communication « qui traversent les frontières Sud de l’Autriche. » Pour cela, la diplomatie devrait obtenir à tout prix l’intervention armée des nations neutres qui continent à l’Autriche méridionale. Cette intervention « aurait en outre l’avantage très appréciable de prendre à revers l’immense front des Austro-Allemands cristallisé devant les forces russes. »


Si la présence de forces anglo-françaises était jugée nécessaire pour vaincre les hésitations de certains, cette éventualité mériterait d’être prise en considération et même réalisée... Notre situation est donc bonne : elle va en s’améliorant tous les jours : il serait fâcheux de la compromettre par des offensives intempestives, parce que trop insuffisamment pourvues en canons et en projectiles. Ma conclusion sera donc : patience, confiance et fabrication intense de canons et de projectiles.


LA BATAILLE DE CHAMPAGNE

Ces idées si sages, marquées au coin d’un si large réalisme, ne persuadaient pas tout le monde ; mais confirmées par les faits, elles faisaient peu à peu leur chemin dans certains esprits. Nommé, en juin 1915, après la brillante affaire de la Ferme Toutvent, au commandement du groupe d’armées du Centre, le général de Castelnau était chargé de préparer en Champagne une offensive conjuguée dont le principe avait été, d’accord avec les Anglais, décidé à Calais. Peut-être, si la question avait été entière, eût-il souhaité que l’opération fût ajournée, car elle présentait certains risques, et les moyens matériels dont nous disposions ne lui paraissaient point encore suffisants pour une action vraiment décisive. Mais puisque l’intérêt moral et politique de la coalition semblait exiger de nous ce nouvel effort, — il s’agissait notamment d’aider les Russes, au cours de leur