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aux problèmes les plus généraux de la politique et de la guerre. A cet égard, la doctrine de toute sa vie trouvait dans la gigantesque expérience qui était instituée sous ses yeux une confirmation singulière. Il ne cessait de réclamer une coordination étroite des efforts alliés, une direction unique, ferme et réfléchie tout ensemble, bref, une véritable « conduite de la guerre. » « Où est, soupirait-il, l’homme capable en Europe de prendre la tête de ce mouvement politico-militaire ? Que Dieu veuille le susciter et l’éclairer ! » Habitué à voir les réalités face à face, et à se colleter avec elles, il s’indignait contre ceux qui n’avaient pas le courage d’en faire autant. « J’enrage, s’écriait-il, quand je constate chez certaines personnalités un optimisme béat qui ne veut pas raisonner. » De très bonne heure, il s’était rendu compte que la guerre, en devenant une guerre d’usure, allait s’éterniser, et qu’on n’obtiendrait la décision finale qu’en recourant à de nouveaux et puissants moyens. Il n’admettait pas que le 75, admirable instrument de défensive, pût « suffire à toutes les besognes. » « Ma conviction à moi, écrivait-il le 26 décembre 1914, est que nous devons profiter de la période de stagnation relative que nous subissons, pour nous approvisionner de tout ce qui nous manque, ou du moins dans toute la mesure du possible, et ne recommencer les opérations que lorsque nous serons pourvus. En attendant, ménager hommes et munitions. » Raison de plus d’ailleurs pour agir sur d’autres fronts. « Plus que jamais, il semble que le point faible de l’ennemi, c’est l’Autriche ; c’est donc de ce côté-là que le concert des Puissances coalisées doit porter ses efforts diplomatiques et militaires. » Et il aurait voulu qu’on agît avec vigueur dans les Balkans, auprès de tous les neutres et au Japon. Dans une longue Note sur la situation générale, datée du 1er mai 1915, il écrivait encore :


Je persiste à penser que ce n’est pas à coups d’infanterie que nous devons tenter la rupture du front adverse, mais à coups d’artillerie et de grosse artillerie. Aussi longtemps que nous n’aurons pas la quantité de canons lourds et l’abondance de munitions, et de bonnes munitions, nécessaires pour bouleverser et écraser sur un large front les organisations défensives de l’ennemi, nous ne serons pas en état de les rompre et d’obliger l’ennemi à céder le terrain sur une étendue appréciable... En attendant... organisons-nous et réorganisons-nous en vue de l’attaque possible de l’ennemi et de la vigoureuse contre-attaque, qui devra succéder à l’échec de l’attaque adverse, sans lui laisser trêve