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c’était là le fait d’une individualité vigoureuse ou d’un grand chef de parti.

Ceci est une conséquence de notre politique des partis. Il faut dire quelques mots de cette politique très spéciale, car le fait est que, sans ce système, notre machine gouvernementale serait dans l’impossibilité de fonctionner. Le système des deux partis est le ressort qui met en mouvement la Constitution américaine : voilà pourquoi nous avons toujours deux partis, bien que, dans le cours des cent années qui viennent de s’écouler, les programmes qu’ils représentent et les principes qu’ils professent aient si profondément changé.

Nous avons besoin de partis, d’une forte organisation, d’un honneur et d’une discipline de parti, pour faire l’harmonie entre les différents organes du pouvoir, à savoir un Exécutif puissant et un double Corps législatif pour l’ensemble de la nation, et ensuite, dans chacun des quarante-huit Etats, autant de petits Exécutifs doublés de leurs deux Chambres. Il est clair que, faute d’une organisation solide et de programmes de partis, cette machine politique compliquée à l’extrême serait absolument hors d’état de marcher. Ce système a, bien entendu, comme toutes les choses humaines, ses bons et ses mauvais côtés. Les partis sont la condition de notre vie politique, mais la politique de parti est naturellement très sujette à l’erreur, et elle n’y échappe pas en Amérique plus qu’ailleurs. Une autre conséquence est d’exagérer artificiellement l’importance des querelles, selon les nécessités de la lutte ou de la tactique des partis. Nous sommes habitués en Amérique à faire de nous-mêmes la correction, et le partisan le plus zélé, le plus passionné pour le triomphe de son parti, distingue fort bien les cas où le programme d’un adversaire est à prendre au sérieux et ceux où il est permis au contraire d’en rabattre. Mais le système fédéral qui est le nôtre, — système si différent du gouvernement centralisé à la française ! — tomberait en morceaux et serait en pièces depuis longtemps, sans l’éducation politique du pays par les deux partis, et sans le mécanisme qui amène tour à tour l’un des deux au pouvoir, en le laissant en face de l’opposition qui critique, qui trouve à redire et qui prend avantage de chaque faute et de chaque erreur de son adversaire au pouvoir.

Je ne puis, dans le peu de temps dont je dispose, entreprendre de vous donner un aperçu de la situation présente des