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Lundi 11 août.

Trois années encore ont passé sur le vieil Orient et sur ma tête, — et je reviens à Constantinople une fois de plus qui sera peut-être la dernière, je reviens anxieux et le cœur cruellement serré, — car les guerres balkaniques sont à peine terminées, la paix n’est pas définitivement conclue, et on ne sait pas encore quel sera le sort de la Turquie ni si Andrinople restera ottomane.

Halte, le matin, a Chanak, au milieu des Dardanelles.

Le soir, à minuit, mouillé à l’entrée du Bosphore, près de la Tour de Léandre. Le grand Stamboul silencieux est là, tout près, ses minarets illuminés encore à cette heure tardive des couronnes de feu du Ramazan. D’ici, en apparence, rien n’a changé, malgré les terribles drames où faillit sombrer la Turquie, malgré les deux ou trois cent mille morts que les balles chrétiennes ont couchés dans les champs de la Macédoine ou de la Thrace.


Mardi 12 août.

Cinq heures du matin. Le soleil levant éclaire en rose pâle les palais, les harems grillés de la côte d’Europe, encore dans le silence du sommeil, et qui semblent toujours receler tout le vieux mystère du passé oriental. Mais les fumées et l’agitation moderne vont bientôt commencer là-bas, vers Galata où nous arrivons.

A six heures, le paquebot s’amarre à son poste. Sur le quai, je vois des bannières, des foules, des caisses de plantes vertes et des tapis rangées comme pour faire honneur à un grand personnage, et toute la police est en armes. Pour qui ce déploiement ?

— Mais je crois que c’est pour vous, tout ça, commandant, me dit Osman, mon serviteur fidèle qui m’accompagne en Turquie pour la cinquième fois.

Des délégations montent à bord, des généraux envoyés par le Sultan et les princes, des représentants de toutes les corporations, des imams, des derviches, des prêtres d’Arabie. Et c’est bien moi que l’on cherche en effet pour me faire fête.

Des voitures de la cour sont là, qui m’attendent. Mon Dieu,