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démarche auprès de la vieille université belge, dont les Allemands ont incendié la bibliothèque. Partout les abominables crimes de 1914 et des années suivantes se sont ainsi dressés devant lui, et il a entendu des témoins dignes de foi lui rappeler comment, après avoir violé la neutralité de la Belgique, les armées allemandes s’étaient comportées envers des populations innocentes. Déjà, du reste, avant que les États-Unis eussent pris le parti d’entrer en guerre, un de leurs nationaux, M. Alexandre Powell, correspondant spécial du New-York World, était venu sur place se rendre compte des méthodes employées par les envahisseurs, à Aerschot, à Termonde, à Louvain ; et dans une brochure intitulé : la Guerre en Flandre en 1915, il avait parlé des monuments incendiés, des maisons pillées, des habitants fusillés. M. Nicholas Murray Butler peut aujourd’hui se demander, à son tour, comment l’Allemagne de Leibnitz, de Kant, de Goethe, est devenue celle qui a commis tant de forfaits. Peut-être se rappelle-t-il, comme moi, que, dès le 6 septembre 1914, des représentants des deux grandes agences américaines, l’United Press et l’Associated Press, en exprimaient leur étonnement au chancelier d’Empire ; et M. de Bethmann Holweg, embarrassé, cherchant à excuser les officiers allemands, répondait par ce mensonge infâme : « Après les premiers combats, des jeunes filles belges se sont amusées à crever les yeux des blessés allemands. » N’est-ce pas, hélas ! l’Allemagne qui cherche encore à crever les yeux de l’humanité ? L’Amérique le sait, et elle ne nous demandera certainement pas de laisser faire.


RAYMOND POINCARÉ.


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RENÉ DOUMIC.