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l’avenir du Pacifique, et dans les premières questions qui seront soumises à la Conférence, la France sera, en fait, moins intéressée que l’Amérique, l’Empire britannique et le Japon. Immigration japonaise en Californie ; mesures protectrices adoptées par les États de l’Oregon, de New Mexico, du Texas, de Washington ; prétentions émises par le Japon, dès le début de la guerre, sur les douanes et les chemins de fer chinois ; différends relatifs au Chantoung et à la Sakhaline ; infiltration nipponne en Sibérie et au Kamtchatka ; litige suscité par la possession de l’île de Yap et par la maîtrise des câbles d’Extrême-Orient, tels sont évidemment les numéros essentiels de la table des matières que l’Amérique proposera à la prochaine conférence. Aussi n’est-il pas surprenant que le premier ministre du cabinet de Tokio, M. Takashi Hara, tout en accueillant avec sympathie la suggestion du président Harding, ait demandé que le programme soit, d’avance, soigneusement précisé. Le traité d’alliance anglo-japonais devant expirer en 1922 et n’ayant pas été jusqu’ici prorogé au nom de l’Empire britannique, à cause de l’opposition du Canada, le gouvernement du Mikado redoute de n’être pas, à Washington, aussi chaudement appuyé par l’Angleterre qu’il le souhaiterait, et il ne se résigne pas sans quelque inquiétude à une discussion qui aurait pour effet de lui imposer, dans le Pacifique, la diminution de ses dépenses navales. De nombreux intérêts conspirent donc déjà contre le succès de la conférence américaine. La France fera cependant ce qui dépendra d’elle pour que ne s’éteigne pas la nouvelle lueur d’espérance, dont le projet de M. Harding est venu éclairer les ténèbres où se débat l’humanité. Elle a des colonies importantes dans le Pacifique ; elle n’y a cependant pas des intérêts comparables à ceux de l’Amérique et de l’Angleterre ; elle est donc bien placée pour aider les autres Puissances à trouver des solutions amiables. Quant au désarmement terrestre, elle le désire plus que personne, et pour cause ; mais elle demande que les assassins commencent. Nous voulons bien laisser tomber peu à peu l’oubli sur leur œuvre ; mais nous avons, au moins, le droit d’exiger qu’ils ne la renouvellent pas.

Un Américain éminent, dont je parlais l’autre jour, un ami de M. Harding, M. Nicholas Murray Butler, vient d’avoir lui-même, à Louvain, la vision de ce qu’a été, dès les premières semaines, l’horrible guerre imaginée par l’Allemagne. Il avait tenu à visiter Reims et sa cathédrale mutilée ; il était allé voir Verdun et sa ceinture de ruines ; il a, le 28 juillet, complété ce pieux et triste pèlerinage par une