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M. Briand a pris soin de formuler la même réserve, lorsqu’il a accepté, au nom de la France, l’invitation de M. Harding et qu’il a promis notre participation à la Conférence de Washington. Il ne pouvait assurément décliner la proposition qui nous était faite, et lorsqu’il a rendu justice à la généreuse initiative du Président des États-Unis, il a exprimé la pensée générale de nos compatriotes. Notre pays, épuisé par la guerre, aspire sincèrement à la prompte diminution des charges militaires. C’est folie que de lui attribuer des arrière-pensées impérialistes. Comme le disait, l’autre jour, M. André Lefèvre à la tribune de la Chambre, il n’y a pas un Français raisonnable qui rêve d’annexer un kilomètre carré de territoire et de commettre à la fois cette mauvaise action, de vouloir changer la nationalité des gens par la violence, et cette maladresse, d’incorporer à un pays homogène des peuples étrangers. Si le Traité de Versailles n’a pas été accueilli en France avec enthousiasme, ce n’est pas que nous ayons jamais convoité l’annexion d’un territoire quelconque, c’est que, faute de gages suffisants, les réparations ont vite paru compromises et que la France ne s’est pas sentie, non plus, assez efficacement protégée contre de nouvelles attaques. Le jour où, soit par une organisation plus vivante de la Société des Nations, soit par un réseau solide d’alliances défensives, nous serons réellement à l’abri d’un retour agressif de l’Allemagne, nous serons trop heureux de renvoyer aux champs et à l’atelier la plus grande partie des jeunes gens qui remplissent encore nos casernes.

Je ne sais toutefois si, pour hâter ce résultat, c’est une très bonne méthode de chercher à l’atteindre par deux voies différentes, celle de Genève, et celle de Washington. Comme l’a dit M. Viviani, le travail préparatoire de la Société des Nations ne sera point inutile, mais il viendra, sans doute, un moment où il faudra choisir entre la Conférence d’Amérique et celle de la Société ; et le choix ne pourra nous laisser hésitants : il va sans dire qu’après avoir répondu favorablement à l’appel du Président Harding, nous n’aurons plus le droit de nous dérober. C’est donc surtout en vue des délibérations de Washington que nous avons à préciser notre politique.

En lançant ses invitations, au lendemain du jour où les États-Unis venaient de déclarer la cessation de l’état de guerre entre eux et l’Allemagne sans ratifier le Traité de Versailles, le Président peut avoir eu la pensée de ramener son pays, par un chemin nouveau, au cœur des affaires européennes et de faire de Washington la vraie capitale de la paix. Mais il a eu surtout en vue, comme il l’a proclamé,