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opprimée, victime des exécutions les plus honteuses. L’Allemagne tout entière se rappellera votre geste désintéressé qui témoigne du plus fidèle amour de la patrie. »

Ainsi donnés au nom de l’Allemagne tout entière, ces encouragements éhontés portent naturellement leurs fruits. Une hostilité de plus en plus violente s’est développée en Haute-Silésie contre la France. De graves incidents ont éclaté à Loebschutz ; à Beuthen, nos officiers sont, tous les jours, menacés ; on tire sur eux, le soir, dans les rues ; ils ont tous reçu des lettres de menaces et ont été individuellement prévenus qu’ils seraient exécutés ; à Krappitz, la foule a insulté le général Gratier ; les autorités alliées ont été forcées d’expulser de Kattowitz soixante-huit policiers allemands, membres des organisations militaires clandestines ; la presse d’Outre-Rhin s’est déchaînée tout entière, à propos de la démarche que M. Briand avait chargé notre ambassadeur à Berlin de faire auprès du gouvernement du Reich ; le Gouvernement de Berlin a adressé au nôtre une note où l’arrogance se marie avec le persiflage ; et, pour comble de cynisme, les associations allemandes de Haute-Silésie ont envoyé à M. Lloyd George un appel où elles le prient d’assurer le succès de leurs réclamations et ajoutent que, si le Conseil suprême décidait le partage de la Haute-Silésie, elles exigeraient que le même principe fût appliqué, non seulement à la Posnanie et à la partie de la Prusse orientale devenue Polonaise, mais à l’Alsace-Lorraine elle-même. Voilà où nous en sommes ; voilà les gages de bienveillance que nous donne, chaque jour, sous son masque démocratique, l’Allemagne impénitente. C’est le moment que choisit le cabinet de Londres pour demander que contrairement à l’avis de M. Briand, le Conseil suprême règle d’urgence le sort de la Haute-Silésie, sans renforcer les troupes d’occupation. Mais est-ce aussi le moment d’offrir à l’Allemagne un fauteuil à la Société des nations ?

Si elle obtient cette faveur avant que le Traité de Versailles soit vraiment en voie d’exécution, nous pouvons être sûrs que toutes les questions qui passent aujourd’hui pour réglées seront successivement remises sur le tapis et que rien ne subsistera plus bientôt, ni du traité lui-même, ni des protocoles ultérieurs, ni de l’ultimatum, ni de l’état de paiements, ni des bons promis, ni des versements annoncés, ni du plébiscite de Haute-Silésie, ni de nos dernières espérances, ni d’aucun de nos droits. L’Allemagne épuisera toutes les ressources de son génie d’intrigue à tâcher de diviser les Alliés, à se faire plaindre par les uns et craindre par les autres, à flatter les