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L’heure, qui n’était pas venue alors, a-t-elle donc sonné aujourd’hui ? On susurre que M. Wirth a fait preuve de bonne volonté, que son ministère est fragile, qu’il faut le ménager et le fortifier pour assurer enfin l’exécution du traité de Versailles ; et vous entendez bien que, par ce langage insidieux, on veut encore nous conduire à de nouvelles concessions.

La bonne volonté du Gouvernement allemand ? J’en cherche les témoignages, et les nombreux rapports que MM. Briand et Barthou ont reçus de nos commissions et de l’armée du Rhin ne peuvent nous laisser à cet endroit aucune illusion. Sans doute, l’Allemagne a cédé à la menace, ou plutôt, sur la promesse que lui a faite lord Abernon que la Ruhr ne serait pas occupée, elle s’est inclinée devant l’ultimatum, mais cet ultimatum contenait, sur le chiffre des réparations, un rabais formidable, qui endettera nos budgets pendant de longues années. Le Reich n’a donc eu aucun mérite à accepter un état de paiements qui lui offrait, par rapport au traité, des avantages inouïs. Pour le désarmement, M. Briand remarquait hier que le général Nollet était loin d’être au bout de sa tâche, et cependant, à la date où nous sommes, les formations militaires devraient être dissoutes, les canons, les mitrailleuses, les fusils, devraient être livrés ou détruits. A Leipzig, les juges cherchent à flatter l’Angleterre en lui accordant quelques condamnations, d’ailleurs dérisoires ; ils oublient qu’ils sont des magistrats et s’essayent à la diplomatie ; mais, lorsqu’il s’agit de châtier un crime commis contre des Belges ou des Français, c’est en vain que des témoins honorables relatent fidèlement les faits qui se sont passés sous leurs yeux ; les plus grands coupables sont acquittés ; et si le Président du Conseil de France dénonce, à la tribune du Parlement, cette « parodie de justice, » il est immédiatement pris à partie par M. Schiffer, le ministre du Reich qui nomme les magistrats et qui se porte garant de leur indépendance. Enfin, au moment où des officiers et des soldats français tombent, en Haute-Silésie, frappés de balles allemandes, M. Wirth, qu’on nous donne pour le plus sincère et le plus conciliant des hommes d’État allemands, va répéter à Breslau ce qu’il dit partout, que l’Allemagne entend garder, malgré les résultats du plébiscite, la totalité de la province et, par dessus tout, le bassin minier. Le président Ebert lui-même entre en scène et il envoie au général Hœfer, principal organisateur des massacres, des félicitations officielles. « Le peuple de Haute-Silésie, lui écrit-il, vous sera éternellement reconnaissant de ce que vous avez fait pour lui. Vous avez délivré une population