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amis anglais : to wait and see. Il faut espérer que le projet de relèvement financier de l’Autriche, élaboré par M. Avenol et ses collègues, aboutira, mais jusqu’ici, il n’est malheureusement pas encore une réalité. Il n’est évidemment pas possible d’agrandir l’Autriche avant d’avoir assaini sa situation économique et monétaire ; et il n’est pas, non plus, désirable de procéder à cet agrandissement avant que nous ayons la certitude que le gouvernement de Vienne ne tourne plus les yeux du côté de Berlin. Tout récemment encore, le général Ludendorff, qui continue à se dépenser beaucoup, n’avait-il pas, à Innsbrück, de mystérieux entretiens avec M. Schraffl, l’ancien Landeshauptmann du Tyrol autrichien ? Et n’a-t-il pas été affirmé qu’ils avaient organisé ensemble une vaste « union des patriotes allemands et autrichiens, » destinée à se mobiliser, un beau jour, en secret, pour relier l’Autriche à l’Allemagne et mettre l’Europe en présence du fait accompli ? Devant de telles perspectives, nous avons le devoir d’être prudents et de ne rien brusquer.

Mais, partout où les Traités de Saint-Germain, de Trianon ou de Neuilly ont donné des droits aux nations qui ont combattu à nos côtés, ayons l’élémentaire loyauté de défendre ces droits comme les nôtres. S’il y a, en France, quelques personnes disposées à tomber un peu vite dans les bras de la Hongrie, prenons garde, il y a, chez certains de nos, alliés, des hommes qui ont la même indulgence vis-à-vis de l’Allemagne et qui ne semblent pas désirer « que les vainqueurs restent avec les vainqueurs. » Voici même que, timidement, un bruit étrange est venu jusqu’à nous. On dit, mais que ne dit-on pas ? on dit qu’à la prochaine assemblée de la Société des Nations, l’Angleterre elle-même... — Mais non, c’est impossible. — Si, si, achevez, que dit-on ? — Rien. — Mais encore ? — Eh bien ! soit ! On prétend qu’à la future assemblée de Genève, l’Angleterre pousserait une nation neutre à poser, de nouveau, la question de l’admission de l’Allemagne, et, le ballon lancé, ce serait la délégation britannique qui se chargerait de le diriger. J’espère que cette rumeur, qui a couru les couloirs des chancelleries, a été mise en circulation par des agents facétieux ou mal renseignés. Il serait, en tout cas, désirable que le Cabinet de Londres ne prit, dans une affaire aussi grave, aucune initiative, sans se concerter avec le Gouvernement de la République. L’année dernière, lorsqu’il a été proposé d’ouvrir la porte à l’Allemagne, M. Viviani s’est élevé avec indignation contre une clémence prématurée, dont il a fait apparaître tous les inconvénients, et son éloquence enflammée a convaincu les assistants.