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du joug magyar et à rejoindre leur mère-patrie, et celle-ci était venue, aux heures les plus difficiles de la guerre, combattre à nos côtés. Voulons-nous nous brouiller avec les Roumains ? Voulons-nous mécontenter les Yougo-Slaves ? Voulons-nous tourner le dos aux Tchèques ? Voulons-nous irriter les Italiens ? M. Briand a lumineusement indiqué les dangers d’une telle politique. Il a délicatement soufflé sur les illusions de ceux qui peuvent croire encore à la résurrection de l’ancienne monarchie dualiste. Il a expliqué que le contre-poids dont nous avons besoin vis-à-vis de l’Allemagne, nous devons le chercher désormais dans les États de la Petite Entente. Le cours naturel des choses a fait de la Tchéco-Slovaquie, de la Yougo-Slavie, de la Pologne, de la Roumanie, nos alliées dans l’Europe centrale. Restons-leur fidèles ; aidons-les à se rapprocher les unes des autres ; et félicitons-nous lorsque des hommes comme M. Benès et M. Take Jonesco travaillent à les grouper. « Que les vainqueurs restent avec les vainqueurs, » disait, l’autre jour, à la Chambre des députés de Bucarest, le ministre des Affaires étrangères roumain, et, dans le même discours, comme pour répondre aux adversaires du Traité de Trianon, il dénonçait les intrigues hongroises en Transylvanie. M. Take Jonesco suit lui-même la conduite qu’il recommande ; il signe des accords entre son pays et la Yougo-Slavie, et il achève ainsi l’œuvre d’union et de paix qu’il exposait, il y a quelques mois, dans l’amphithéâtre Richelieu. Pendant que nous pleurons sur le passé, les nouveaux États et les Etats agrandis, qui ont hérité de l’Autriche-Hongrie, s’accommodent du présent et préparent l’avenir.

Ce traité d’alliance roumano-yougo-slave, signé à Belgrade par MM. Take Jonesco et Nicolas Pachitch, ne relève pas de la diplomatie secrète. Il a été fait au grand jour et il est soumis à la ratification des représentants des deux pays. Mais il est conçu dans des termes qui montrent l’inexcusable faute que la France aurait commise si elle n’avait pas elle-même ratifié le Traité de Trianon : « Fermement résolus à maintenir la paix acquise au prix de tant de sacrifices et l’ordre établi par le Traité conclu à Trianon le 4 juin 1920 entre les Puissances alliées et associées d’une part et la Hongrie de l’autre, ainsi que le traité conclu à Neuilly le 27 novembre entre les mêmes Puissances et la Bulgarie, Sa Majesté le roi des Serbes, Croates et Slovènes et Sa Majesté le roi de Roumanie se sont mis d’accord pour conclure une convention défensive. » Ainsi, ni la Yougo-Slavie, ni la Roumanie, ne cachent leur manière de voir. Elles ne veulent pas renoncer aux avantages que leur ont reconnus, après la victoire